Nouvelles mesures limitant l’utilisation du programme A75 pour les travailleurs étrangers temporaires

Temps de lecture : 6 min 33s
30 juin, 2022

Le programme A75 offert aux détenteurs d’un certificat de sélection du Québec (CSQ) a connu plusieurs changements importants au cours de la dernière année. Une nouvelle sous-catégorie de permis de travail ouvert transitoire a ainsi été créé en août 2021 pour certains travailleurs étrangers temporaires en attente de l’obtention de leur statut de résident permanent afin de permettre à ces derniers de changer plus facilement d’emploi au cours de cette période.

IRCC a également établi que les travailleurs étrangers qui perdaient le droit de travailler au Canada et qui étaient admissibles au rétablissement de leur statut restaient admissibles au programme A75, ce qui n’était en principe pas le cas par le passé.

Ces différentes mesures laissaient entrevoir la volonté d’IRCC d’offrir davantage de flexibilité aux travailleurs étrangers temporaires souhaitant utiliser le programme A75 afin de renouveler leur permis de travail.

Au cours des dernières semaines cependant, de nouvelles directives concernant le programme A75 ont été publiées. À la surprise de plusieurs, ces directives ont au contraire eu pour effet de limiter ou de rendre plus difficile l’accès à un permis de travail sous le programme A75.

Voici deux changements importants au programme A75 limitant l’utilisation de ce programme :

Changement 1 : Impossibilité de présenter la demande de permis de travail à un point d’entrée canadien

Les instructions d’IRCC disponibles en ligne ont été mises à jour afin de clairement indiquer que les demandeurs ne peuvent désormais plus présenter une demande de permis de travail A75 à un point d’entrée canadien. La demande de permis de travail doit plutôt être soumise en ligne ou par la poste de l’intérieur du Canada.

Considérant les délais de traitement actuels d’environ 150 jours pour ce type de demande, cette nouvelle mesure peut grandement compliquer le processus de renouvellement de permis de travail de plusieurs travailleurs étrangers.

En effet, bien qu’il soit possible de maintenir son droit de travailler au Canada en soumettant une demande de renouvellement de permis de travail avant l’expiration de son permis de travail, démarche qui permet de bénéficier du « statut conservé », autrefois appelé « statut implicite », ce statut conservé sera perdu une fois que le demandeur sortira du Canada. Ainsi, une personne dont le permis de travail est expiré et qui est en attente d’une décision quant à sa demande de renouvellement de permis de travail ne devrait en principe pas quitter le Canada afin d’éviter de perdre le droit d’y travailler pendant le traitement de sa demande.

Une solution à cette problématique était pour les travailleurs étrangers de présenter leur nouvelle demande de permis de travail à un point d’entrée canadien avant l’expiration du permis de travail initial pour pouvoir bénéficier d’un traitement sur place par un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada. Les nouvelles instructions d’IRCC empêchent désormais les travailleurs étrangers d’utiliser cette méthode de soumission comme solution même dans les cas où détenir un statut conservé pendant plusieurs mois n’est pas une option.

Considérant le désir tout à fait compréhensible de plusieurs travailleurs étrangers de voyager à l’extérieur du Canada, que ce soit pour des raisons familiales ou professionnelles, il est tout à fait injustifié de demander à ces personnes de ne pas quitter le territoire canadien pendant une période pouvant atteindre plus de 5 mois (selon les délais de traitement actuels). L’interdiction de soumettre une demande A75 à un point d’entrée, combinée aux délais de traitement extrêmement longs des demandes soumises en ligne ou par la poste de l’intérieur du Canada, rend ainsi le processus de renouvellement de permis de travail très éprouvant pour plusieurs travailleurs étrangers.

Afin de limiter les impacts de cette nouvelle mesure, il est recommandé aux employeurs du Québec d’encourager les travailleurs étrangers qu’ils emploient de soumettre leur demande de renouvellement de permis de travail le plus tôt possible. Cela ne sera cependant pas toujours réalisable, par exemple dans un cas où le travailleur étranger obtiendra son CSQ peu de temps seulement avant l’expiration de son permis de travail.

Changement 2 : Obligation d’occuper la même profession que celle indiquée sur le CSQ

Les instructions d’IRCC ont également été mises à jour afin d’indiquer que les demandeurs ayant une offre d’emploi indiquant une profession différente de cette figurant sur leur CSQ seront dorénavant inadmissibles au programme A75. Cela est une modification majeure, le code de la Classification nationale des professions (CNP) indiqué sur les CSQ délivrés par le MIFI n’ayant historiquement jamais été pertinent dans le cadre du traitement des demandes de permis de travail par IRCC.

Considérant les délais de traitement actuels pour les demandes de résidence permanente des travailleurs qualifiés sélectionnés par le Québec, cela signifie que l’évaluation faite par le MIFI au niveau de la classification du poste occupé dans le cadre de la demande de CSQ déterminera la profession pouvant être exercée par le demandeur au courant des deux à trois années à venir dans le cas où ce dernier souhaite utiliser le programme A75 afin de renouveler son permis de travail. Cette nouvelle mesure empêcherait donc en principe le demandeur de bénéficier d’une promotion ou d’un poste correspondant à un autre code de la CNP. Dans le marché de l’emploi actuel, davantage de flexibilité est nécessaire autant pour les employeurs que pour les travailleurs étrangers.

Ceci étant dit, des alternatives existent pour les employeurs souhaitant embaucher un travailleur étranger dans une profession différente à celle indiquée sur le CSQ détenu par le travailleur.

À titre d’exemple, la nouvelle sous-catégorie de permis de travail ouvert transitoire créée l’année dernière et mentionnée ci-haut serait une option afin de permettre au travailleur étranger d’occuper une profession différente à celle indiquée sur son CSQ. Une fois que le demandeur aura soumis sa demande de résidence permanente et obtenu son numéro de demande final (à ne pas confondre avec le numéro de demande temporaire commençant par la lettre « X »), ce dernier pourrait en principe obtenir un permis de travail ouvert transitoire via le programme A75. Ainsi, les travailleurs étrangers souhaitant changer de profession pendant le traitement de leur demande de résidence permanente devrait prioriser le permis de travail ouvert transitoire afin de ne pas être limité à occuper la profession indiquée sur leur CSQ.

Cela ne constitue toutefois pas une solution disponible à tous, le permis de travail ouvert transitoire n’étant pas accessible aux travailleurs étrangers n’ayant pas encore soumis leur demande de résidence permanente ou dont la demande de résidence permanente n’aura pas encore subi une vérification au niveau de son exhaustivité. Dans cette situation, d’autres programmes d’immigration pourraient être envisagés pour le renouvellement de permis de travail de ces travailleurs étrangers, et cette analyse devra se faire au cas par cas.

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Ainsi, dans un contexte où les employeurs du Québec auraient besoin de davantage de flexibilité relativement à l’embauche de travailleurs étrangers, il est curieux qu’IRCC adopte des directives limitant l’utilisation du programme A75, programme qui était d’ailleurs largement utilisé et apprécié par les employeurs. Souhaitons qu’IRCC revisite ces nouvelles mesures afin d’éviter de rendre le processus de renouvellement de permis de travail plus lourd pour les employeurs.

Pour vos questions relatives à ces changements et à son impact sur le renouvellement des permis de travail des membres de vos équipes, nous vous invitons à nous contacter.

Joanie LEBRUN

À propos de Joanie Lebrun

Joanie Lebrun s’occupe, à titre d’avocate chez Galileo, de la gestion du savoir. Alors que tous les professionnels du bureau s’engagent à se maintenir à jour par rapport aux changements constants qui concernent le droit de l’immigration, Joanie agit à titre de ressource de première ligne pour nos équipes juridiques quant aux nouvelles règles communiquées par les instances gouvernementales en droit de l’immigration. Elle accompagne également les clients par rapport à leurs besoins particuliers dans le cadre de demandes d’immigration plus complexes. L’apport de Joanie permet donc à Galileo de rester à l’affut des plus récentes normes, règles et particularités du droit de l’immigration.

Avant de se joindre à Galileo, Joanie agissait à titre de conseillère juridique auprès du Ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI). Elle a par la suite travaillé au sein d’un cabinet d’avocats d’envergure internationale dans une équipe exclusivement dédiée à l’immigration d’affaires. Joanie est ainsi en mesure de mettre le fruit de son expertise à la disposition des clients de Galileo afin d’ultimement leur offrir une solution appropriée, efficace et optimale.

Joanie est titulaire d’un baccalauréat en droit civil (L.L.B) de l’Université de Sherbrooke. Elle figure sur le palmarès Best Lawyers dans la catégorie Ones to watch, édition 2023, reconnaissance accordée aux avocats démontrant un parcours professionnel exceptionnel dès le début de leur carrière.

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