Mise à pied de travailleurs étrangers temporaires : Guide pour les entreprises en période de ralentissement économique

Temps de lecture : 5 min 19s
1 mai, 2024
Dans cet article, l'autrice aborde les principales considérations pour les entreprises envisageant des mises à pied de TET, ainsi que nos conseils pour éviter et limiter les impacts négatifs d’une telle mesure sur les projets d’embauche à long terme des entreprises.

Introduction

Dans un contexte économique incertain, certaines entreprises québécoises et canadiennes peuvent se retrouver dans l’obligation de réduire leurs effectifs pour maintenir leur viabilité financière. Une des options pour pallier ce ralentissement économique peut passer par la réduction de la main-d’œuvre avec la mise à pied de travailleurs. Cependant, pour les entreprises qui emploient des travailleurs étrangers temporaires (TET), cette démarche peut soulever des questions complexes en matière d’immigration et avoir un impact important sur leurs futures utilisations des programmes d’immigration canadiens.

Dans cet article, nous aborderons les principales considérations pour les entreprises envisageant des mises à pied de TET, ainsi que nos conseils pour éviter et limiter les impacts négatifs d’une telle mesure sur les projets d’embauche à long terme des entreprises.

1. Est-il possible de mettre à pied un travailleur étranger temporaire ?

La réponse est oui, mais les enjeux rattachés à cette décision sont multiples.

La réglementation canadienne en matière d’immigration stipule que les travailleurs étrangers temporaires doivent être traités de manière équitable et semblable aux travailleurs citoyens canadiens et résidents permanents canadiens. Les TET sont également considérés comme des travailleurs vulnérables et le gouvernement canadien prend des mesures additionnelles pour s’assurer que leurs droits sont protégés.

Dans ce contexte, toute mise à pied de travailleurs étrangers doit être clairement justifiée, s’appliquer de manière équitable et uniforme sur l’ensemble de la main-d’œuvre et doit idéalement être un moyen de dernier recours. Une justification adéquate selon la réglementation en matière d’immigration pourra notamment être pour pallier un ralentissement économique.

Cependant, des différences peuvent exister selon que le milieu de travail est syndiqué ou non-syndiqué.

Dans un milieu syndiqué, les règles de mises à pied sont souvent plus claires, reposant sur des processus objectifs clairement définis dans la convention collective tels que la liste d’ancienneté. En revanche, dans un milieu non-syndiqué, c’est l’employeur qui établit les priorités de mises à pied selon son droit de gérance. Dans ce cas, la documentation justifiant la mise à pied sera d’autant plus essentielle.

Quelle que soit la situation, il est crucial que les TET soient traités de manière équitable et que toute décision de mises à pied soit justifiée par des motifs économiques valables.

2. Quels sont les répercussions pour l’employeur et pour le travailleur étranger temporaire mis à pied?

Les conséquences d’une mise à pied de travailleurs étrangers temporaires sont significatives tant pour l’employeur que pour l’employé.

Pour l’employeur

La mise à pied d’un TET avant la fin du mandat initialement prévu peut entraîner des risques de non-conformité aux conditions d’emploi déclarées dans l’offre d’emploi initiale. Cela peut d’ailleurs venir compromettre les futures demandes d’Évaluation d’impact sur le marché du travail (EIMT). En effet, un employeur ayant été en non-conformité pourrait avoir de la difficulté à obtenir les autorisations pour embaucher des travailleurs étrangers temporaires sous le Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) lors de demandes subséquentes.

De plus, une inspection de conformité menée par Service Canada/Emploi et Développement social Canada (EDSC) ou Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) pourrait être déclenchée, exigeant une justification claire et documentée de la ou des mises à pied. Les sanctions résultant d’une décision de non-conformité suivant une inspection peuvent notamment inclure des amendes, la publication du nom de l’employeur sur une liste publique d’employeurs ayant contrevenu à la règlementation en matière d’immigration, la suspension du droit ou l’interdiction d’utiliser les programmes d’immigration canadien ou encore des poursuites judiciaires dans des cas plus graves, le tout dépendamment de la gravité de la non-conformité de l’entreprise.

Pour l’employé

Pour les TET, la perte d’emploi est souvent synonyme de perte de revenu et de difficultés financières, notamment pour ceux détenant un permis de travail lié à un employeur précis (communément appelé « permis fermé »). Bien que normalement les TET possédant un tel type de permis ne soient pas éligibles à l’assurance-emploi, il existe des cas où une certaine discrétion peut être exercée par les agents gouvernementaux. Cependant, cette situation est souvent plus complexe pour les travailleurs à bas salaire, qui peuvent se retrouver dans une situation financière très précaire en cas de mise à pied.

3. Quelles autres solutions s’offrent à l’entreprise pour pallier un ralentissement des activités sans effectuer de mises à pied?

Il existe plusieurs alternatives à la mise à pied de travailleurs étrangers temporaires. Parmi celles-ci, on retrouve la réduction des heures de travail, le partage du temps de travail, ainsi que le transfert de personnel entre différentes unités ou postes au sein de l’entreprise. Toutefois, il est crucial de noter que ces options peuvent également comporter des risques de non-conformité aux règles d’immigration, au même titre qu’une mise à pied. Le cas échéant, la documentation justifiant ce genre d’alternatives est encore une fois essentielle.

De plus, les employeurs ont également la possibilité de solliciter directement auprès de leurs employés une réduction volontaire de leur salaire, de leurs avantages ou de leurs heures de travail. Toutefois, cette démarche requiert une communication ouverte avec les autorités compétentes en matière d’immigration, comme Service Canada/EDSC ou IRCC, afin de mettre à jour les termes initiaux de l’offre d’emploi et de fournir des justifications solides.

En conclusion, si la mise à pied de travailleurs étrangers temporaires peut sembler être la seule option en période de ralentissement, il est important pour les entreprises de considérer toutes les alternatives possibles tout en se conformant à la réglementation en matière d’immigration en vigueur. Une planification minutieuse et une documentation adéquate des mesures prises peuvent aider à minimiser les risques de non-conformité et à préparer une justification appropriée en cas d’inspection ultérieure. Les employeurs doivent également être conscients des impacts potentiels sur leurs employés et prendre des mesures pour atténuer les conséquences négatives autant que possible.

Si vous considérez mettre à pied des travailleurs étrangers temporaires, ou si vous avez des questions à ce sujet, contactez-nous et il nous fera plaisir de discuter de vos options avec vous.

Camille RÉGENT

À propos de Camille Régent

Camille Régent est avocate, chef d’équipe chez Galileo et représente des entreprises dans le cadre de leurs besoins en mobilité internationale.

Elle accompagne les clients de Galileo dans leur projet d’expansion ou pour pourvoir les postes vacants en les conseillant sur des stratégies d’immigration répondant adéquatement à leurs besoins opérationnels.

Se positionnant en véritable partenaire, Camille traduit de manière créative les besoins des clients qu’elle représente en action juridique concrète pour leur permettre de rencontrer leurs objectifs d’affaires.

Camille possède également une compréhension personnelle du processus d’immigration canadienne, l’ayant elle-même vécue. Elle est donc à même de comprendre les enjeux humains et même parfois logistiques liés à ce processus et est en mesure de fournir un accompagnement accru aux travailleurs et aux gens d’affaires qui le vivent.

Très tournée vers le monde, Camille a eu la chance de représenter le Québec en Côte d’Ivoire lors du Parlement francophone des jeunes et a également effectué un stage de coopération internationale au Nicaragua pendant plusieurs mois.

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