Auteurs :
Marc-Alexis Laroche & Nicholas Simard-Lafontaire
*Les informations contenues dans cet article sont à jour à la date de sa publication.
INTRODUCTION
Le 4 novembre 2025, le gouvernement fédéral canadien a déposé son budget pour la période 2025-2026. Pour une première fois dans l’histoire canadienne, le budget fédéral contenait également le plan ministériel en matière d’immigration temporaire et permanente. Le 5 novembre 2025, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) introduisait certaines précisions relatives à ce plan ministériel.
Alors que les chiffres et les données détaillées au niveau du plan ministériel ont été divulgués, il nous est donc possible d’analyser les différentes mesures phares qui sont mises de l’avant dans le cadre du budget fédéral 2025 et de constater l’impact au niveau des différentes cibles d’admission.
Plusieurs de ces mesures auront un impact à la fois pour les résidents temporaires et permanents du Canada, mais aussi pour les employeurs qui recrutent des travailleurs étrangers temporaires au Canada.
BAISSE DES CIBLES D’ADMISSION DES RÉSIDENTS TEMPORAIRES
Le budget fédéral 2025 contient notamment un plan des niveaux d’immigration temporaire pour les années 2026 à 2028. Les chiffres annoncés par le gouvernement fédéral permettent de constater une volonté de diminuer de manière importante les nouvelles admissions de résidents temporaires au Canada.
Plus précisément, le gouvernement fédéral souhaite atteindre les cibles suivantes en matière d’admission de résidents temporaires au Canada.

Il est important de noter que la cible pour l’année 2026, soit de 385 000 résidents temporaires, représente une baisse d’environ 43% des admissions de résidents temporaire au Canada. En 2025, les prévisions d’admissions de résidents temporaires admis au Canada étaient de 673 650. Le budget fédéral mentionne que le part de résidents temporaires au sein de la population a plus que doublé entre la période 2018-2024, ce qui, selon le gouvernement fédéral, crée une pression sur l’offre de logements, le système de santé et les écoles.
Par conséquent, le gouvernement canadien maintient le cap sur la réduction de la part des résidents temporaires afin qu’elle atteigne environ 5% de la population canadienne et ainsi diminuer l’impact de la présence des résidents temporaires sur les services publics canadiens.
La réduction la plus importante parmi ces chiffres est celle de l’admission des étudiants étrangers temporaires au Canada. En effet, les cibles d’admission d’étudiants étrangers temporaires se chiffraient à environ 437 000 pour l’année 2025. Pour 2026, elles devraient alors diminuer pour atteindre 155 000, soit une diminution de l’ordre d’environ 65%.
Il est inévitable que cette diminution drastique du nombre d’étudiants étrangers temporaires au Canada ait comme effet de diminuer le financement de plusieurs universités et Cégeps qui comptent sur l’admission de ces étudiants étrangers afin de combler les places qui sont disponibles au sein de leurs programmes d’études. Il faut souligner que cette mesure de réduction des admissions ne vise pas les demandes de renouvellement de permis d’étude et de permis de travail présentés de l’intérieur du Canada, les visas de visiteurs, les autorisations de voyage électroniques, les permis de travail post-diplôme et les permis de travail pour demandeurs d’asile.
STABILISATION DES ADMISSIONS POUR LES RÉSIDENTS PERMANENTS ET UN ACCENT SUR L’IMMIGRATION ÉCONOMIQUE
Au niveau de la résidence permanente, le gouvernement fédéral annonce une légère réduction de la cible de nouveaux résidents permanents entre 2025 et 2026 suivie d’une stabilisation des cibles pour les années 2026 à 2028.
En effet, pour l’année 2025, les prévisions du nombre de résidents permanents admis au Canada étaient de 395 000. Pour les années 2026 à 2028, elles sont fixées à :
Selon le gouvernement fédéral, ces cibles visent à maintenir un nombre d’admissions de résidents permanents au Canada qui équivaut à 1% de la population canadienne.
Le budget indique une volonté du gouvernement canadien de favoriser l’immigration économique au Canada. Plus précisément, le budget fédéral mentionne que le gouvernement souhaite faire passer la proportion d’immigrants économiques de 59% à 64% au niveau des admissions à la résidence permanente.
Cependant, cette augmentation de la proportion des immigrants économiques aura comme effet de réduire de manière mathématique le nombre d’immigrants qui seront admis sous les catégories du regroupement familial et les autres catégories telles que les demandes pour considérations humanitaires ou les demandes à titre de réfugié.
Notamment, pour la catégorie du regroupement familial, la cible antérieure pour l’année 2026 était de 84 000 pour les époux et conjoints de fait. Toutefois, dans le budget 2025, la cible est maintenant fixée à 69 000.
Alors que les demandes de regroupement familial soumises à destination de la province de Québec atteignent maintenant des délais de traitement de plus de 3 ans, il y a fort à parier que ces nouvelles cibles d’admission auront aussi pour effet d’accentuer les délais de traitement, et ce, pour l’ensemble demandes soumises et peu importe la province de destination.
Il est également important de noter que le gouvernement fédéral mentionne dans le budget 2025 une nouvelle initiative ponctuelle de deux ans visant à accorder la résidence permanente à 115 000 demandeurs d’asile et 33 000 résidents temporaires.
L’IMMIGRATION FRANCOPHONE HORS QUÉBEC
Au courant des dernières années, le gouvernement fédéral a indiqué que l’une de ses priorités en matière d’immigration était d’augmenter la proportion d’immigrants francophones dans le reste du Canada (hors Québec). Cette priorité découle de la modernisation récente de la Loi sur les langues officielles et s’inscrit dans une volonté de restaurer la proportion de la population francophone hors Québec aux niveaux qui existaient en 1971.
Dans le cadre du budget fédéral 2025, cette volonté semble s’accentuer encore davantage. Alors que la cible antérieure pour l’année 2026 était fixée à 8% des admissions à titre de résident permanent sous cette catégorie, la nouvelle cible fixée par le gouvernement est maintenant de 9% et atteindra même 10,5% en 2028. Le gouvernement mentionne également son appui à l’objectif plus général d’atteindre une cible à 12% d’ici 2029.
Nous sommes d’avis que le gouvernement fédéral, en raison de ces cibles, continuera de mettre de l’avant différents programmes et initiatives qui viseront à favoriser l’immigration francophone vers les différentes provinces du Canada, excepté pour le Québec.
Les employeurs québécois peuvent donc être inquiets de cette annonce, car cela signifie que leurs employés qui sont travailleurs étrangers temporaires et qui sont francophones ou francophiles pourraient avoir des options d’immigration beaucoup plus intéressantes dans le reste du Canada qu’au Québec, particulièrement dans un contexte où le gouvernement provincial resserre de plus en plus les options pour cheminer vers la résidence permanente.
CHANGEMENTS AU NIVEAU DES INSPECTIONS ET DU RÉGIME DE CONFORMITÉ DES EMPLOYEURS
Une autre mesure mise en place par le gouvernement fédéral est indiquée de manière plus subtile dans l’annexe 3 du budget fédéral. Cette annexe prévoit notamment plusieurs réductions des dépenses au sein des différents ministères du gouvernement fédéral.
Parmi ces réductions de dépenses, on peut constater qu’IRCC a dorénavant l’intention de confier les inspections qui touchent le Programme de mobilité internationale (PMI) auprès d’Emploi et Développement social Canada (EDSC).
Ceci marque un tournant important en matière de conformité, car l’ensemble des inspections qui touchaient le PMI étaient effectuées par des employés d’IRCC, qui sont après tout ceux qui traitent et approuvent ces demandes. Cette nouvelle, bien qu’elle ne soit pas aussi médiatisée que les autres aspects du budget, constitue un changement majeur qui pourrait avoir un impact auprès des employeurs canadiens.
Les employés d’EDSC sont tout à fait formés et aptes à compléter les inspections qui touchent le Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET). Cependant, ceux-ci n’ont pas encore été formés afin de compléter des inspections qui touchent le PMI. Il sera intéressant de voir au courant des prochaines semaines si les inspections qui touchent le PMI sont affectées par cette délégation de la part d’IRCC.
CONCLUSION
Le budget fédéral 2025 – et les mesures qu’il contient en matière d’immigration – pointe vers un modèle d’immigration qui sera plus sélectif, plus strict au niveau des critères d’admission et avec un contrôle plus serré des flux migratoires à la frontière.
Bien que la diminution du nombre de résidents temporaires au Canada soit une politique souhaitée par une majorité de Canadiens selon les plus récents sondages disponibles1, il n’en demeure pas moins que plusieurs employeurs souhaitent pouvoir conserver à l’emploi les travailleurs étrangers temporaires qu’ils ont déjà recrutés et qui se sont établis sur le territoire canadien. Il s’agit d’ailleurs d’une demande qui a été transmise par le gouvernent québécois auprès du gouvernement fédéral et qui demeure sans réponse.
Seul le temps pourra confirmer si les mesures du gouvernement fédéral permettront de diminuer l’impact sur les services publics ou si elles auront plutôt comme effet d’accentuer la pénurie de main-d’œuvre qui est vécue dans plusieurs industries et dans de nombreuses régions canadiennes.
Le gouvernement fédéral semble comprendre cette réalité et souhaite tenir compte des industries et secteurs qui sont plus particulièrement touchés par les droits de douane américaine ainsi que les besoins des communautés rurales et éloignés. Par contre, nous confirmons que plusieurs employeurs ne font pas partie de ces catégories et ont hautement besoin des services de travailleurs étrangers au Canada.
- Le Devoir, « Plus de la moitié des Canadiens jugent encore qu’il y a trop d’immigration, 16 octobre 2025, En ligne : https://www.ledevoir.com/actualites/immigration/925758/integration-plus-moitie-canadiens-jugent-encore-il-y-trop-immigration. ↩︎