Perspective d’un avocat en immigration au Québec : Survol des obligations des employeurs en droit de l’immigration

Temps de lecture : 7 min 59s
30 juillet, 2023

Chez Galileo Partners nos avocats en immigration conseillent des entreprises du Québec et du Canada en matière d’immigration tous les jours. Chaque année nous recevons des dizaines de demandes d’intervention de nos clients qui font l’objet d’une « inspection de conformité » de la part des services d’immigration.

Les entreprises ont donc des obligations à respecter en matière d’immigration?

Oui, c’est le cas et c’est souvent une réalité malheureusement méconnue des employeurs. Tous les employeurs qui embauchent des travailleurs étrangers souscrivent à des obligations en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (L.C. 2001, ch. 27). Puisque cette loi est une loi dite d’ordre public, tous les employeurs sont tenus de la respecter. Cette loi est également assortie de pénalités en cas de contravention. Le sujet des obligations des employeurs en matière d’immigration en est un complexe que nous ne pourrons pas explorer en détail dans cet article.

Explorons donc un régime d’inspection avec lequel nous interagissons régulièrement en pratique, soit celui administré par Emploi et développement social Canada (EDSC) qui assure la gestion du programme des travailleurs étrangers temporaire (PTET). Pour vous situer, le programme des travailleurs étrangers temporaires est celui qui nécessite l’approbation d’une Évaluation d’impact sur le Marché du Travail (EIMT) et d’un Certificat d’acceptation du Québec (CAQ) préalable à l’obtention d’un permis de travail. On retrouve le cadre juridique de ce régime de conformité aux articles 209.1 et suivants du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227.

Quelles sont les obligations de l’employeur?

Pour simplifier, l’employeur est tenu de se conformer à l’offre d’emploi faite à chaque travailleur étranger dans le cadre de l’EIMT approuvée par EDSC et constatée sur le permis de travail émis au travailleur.
Par exemple, si l’EIMT positive associée au poste du travailleur étranger indique que le travailleur occupe un poste de préposé à l’entretien ménager pour Ménages Express Inc. (nom fictif), que son lieu d’emploi est à Laval, au Québec et qu’il sera rémunéré sur la base d’un salaire horaire de 17,00$ de l’heure; l’employeur est tenu de respecter l’ensemble de ces conditions pour toute la durée de l’emploi.
Pour illustrer une situation qui ne serait possiblement pas conforme pour Ménages Express Inc; le travailleur ne pourrait pas recevoir une prime de 5,00$ supplémentaire lorsqu’il travaille la fin de semaine à moins que ce ne soit expressément prévu dans l’EIMT.
L’employeur est également tenu de respecter d’autres conditions d’office, incluant notamment les suivantes :

  • L’employeur doit s’assurer que le travailleur étranger est véritablement actif dans l’entreprise qui a présenté la demande d’EIMT;
  • L’employeur doit respecter les règlements provinciaux régissant le travail dans la province;
  • L’employeur doit rendre disponible au travailleur, au plus tard au premier jour d’emploi, une copie des renseignements les plus récents concernant les droits du travailleur étranger au Canada, dans les deux langues officielles;
  • L’employeur ne doit pas percevoir les frais de recrutement de la part de travailleur étranger.

Pourquoi mon entreprise serait-elle soumise à une inspection par EDSC?

EDSC peut inspecter les entreprises utilisant le programme des travailleurs étrangers temporaires à tout moment durant le séjour du travailleur étranger temporaire au Canada et jusqu’à 6 ans après la date de délivrance d’un permis de travail à un travailleur étranger. L’employeur est d’ailleurs tenu de conserver la documentation nécessaire à la démonstration de la conformité pour toute la période assujettie à une inspection.

EDSC procède régulièrement à des inspections aléatoires. Les inspections peuvent aussi être déclenchées par un signalement provenant du travailleur, d’un tiers ou d’une autre agence gouvernementale. En 2022, 33% des inspections faites par EDSC ont été faites sur la base de signalements. Souvent les signalements sont relatifs aux conditions de travail qui divergent de celles déclarées dans l’EIMT.

Comment savoir si mon entreprise fait l’objet d’une inspection d’EDSC?

Habituellement, vous recevrez une communication assortie d’un délai de réponse de la part d’EDSC. Cette communication est suivie d’une annexe comportant une série de questions. Un agent d’EDSC peut également visiter votre entreprise en personne sur votre lieu de travail. Cette manière de procéder est plus rare.

Les pouvoirs des inspecteurs d’EDSC sont larges. Notamment afin de vérifier le respect des conditions de l’emploi, l’agent d’EDSC peut entrer dans tout lieu où un travailleur étranger exerce un emploi pour en faire l’inspection. À cette fin, il peut également:

poser toute question pertinente à l’employeur et à toute personne qu’il emploie;
exiger de l’employeur, en vue de l’examiner, tout document qui se trouve dans le lieu;

  • poser toute question pertinente à l’employeur et à toute personne qu’il emploie;
  • exiger de l’employeur, en vue de l’examiner, tout document qui se trouve dans le lieu;
  • utiliser le matériel de reproduction qui se trouve dans le lieu ou exiger de l’employeur qu’il fasse des copies de documents et emporter les reproductions pour examen ou, s’il n’est pas possible de reproduire les documents dans le lieu, les emporter aux fins de reproduction;
  • prendre des photographies et effectuer des enregistrements vidéo et audio;
  • examiner toute chose qui se trouve dans le lieu;
  • exiger de l’employeur que ce dernier utilise tout ordinateur ou autre dispositif électronique qui se trouve dans le lieu pour que l’agent puisse examiner les documents pertinents qu’il contient ou auxquels il donne accès;
  • se faire accompagner ou assister par toute personne dont le concours est nécessaire lorsqu’il se trouve dans le lieu1.

L’employeur est donc tenu de collaborer avec l’agent qui procède à l’inspection, notamment en répondant aux communications d’EDSC dans les délais impartis.

Quelles sont les conséquences d’une situation de non-conformité pour l’employeur?

EDSC base le régime de sanctions associé à une situation de non-conformité sur un système de points décrit en annexe au Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés. La grille de points pondère la gravité de chaque type de violation. La pondération est également plus sévère en cas de récidive.
Les pénalités sont ensuite accordées selon le nombre de points associés à l’infraction. Les pénalités se situent sur deux axes; les pénalités pécuniaires et les exclusions de l’employeur du Programme des Travailleurs étrangers temporaires. Pour les infractions les moins graves, un simple avertissement est parfois émis.

Or, le régime prévoit que les pénalités pouvant aller jusqu’à une exclusion permanente du PTET et jusqu’à une pénalité maximale de 100 000$ par violation (pour un maximum cumulatif de 1 000 000$ canadiens).

Que faire en cas d’inspection, ou si mon entreprise ne respecte pas ses obligations en tant qu’employeur en matière d’immigration?

En cas d’inspection, assurez-vous de répondre rapidement, de manière véridique et complète à l’agent d’EDSC. Si vous constatez qu’une situation de non-conformité est présente, la consultation d’un avocat en immigration est avisée.

L’avocat en immigration vous permettra d’évaluer vos options et de collaborer avec les services d’inspections d’EDSC. Dans certains cas, il est possible de mettre l’entreprise en situation de conformité malgré une situation de non-conformité initiale constatée par EDSC.

Si vous constatez que votre entreprise n’est pas en situation de conformité avant même qu’une inspection soit déclenchée, il est également recommandé de consulter un avocat pour évaluer vos options. Dans certains cas, une divulgation volontaire de la non-conformité est recommandée, mais une évaluation au cas par cas est recommandable avant de procéder.

Que dois-je faire si mon entreprise est soumise à une inspection similaire de la part d’Immigration Réfugiés et Citoyenneté Canada?

Immigration Réfugiées et Citoyenneté Canada (IRCC) administre la conformité d’autres programmes d’immigration temporaire dont le Programme de Mobilité Internationale (PMI). Le PMI inclut notamment les permis de travails issus de transferts intra société, les permis de travails pour professionnels et les permis de travails pour investisseurs.

Le programme de conformité des employeurs administré par IRCC est similaire à celui d’EDSC, en ce qui concerne les principes de conformité, les obligations de l’employeur, le système d’inspection, les pouvoirs de l’agent et le système de sanctions. Nos recommandations sont essentiellement les mêmes que celles émises pour les inspections d’EDSC.

Les employeurs qui souhaitent connaitre leurs obligations sous le PTET et s’y conformer peuvent consulter notre outil d’autodiagnostic gratuit à télécharger. En effet, en tant qu’employeur qui embauche des travailleurs étrangers temporaires, il est important de connaitre ses obligations.

Notre équipe d’avocats est spécialisée en droit en immigration et représente exclusivement des employeurs en cette matière. Pour toute question relative à la conformité en matière d’immigration ou en cas d’inspection, n’hésitez pas à contacter notre équipe.


1Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés DORS/2002-227, art 209.9 (2)

Nicolas SIMARD-LAFONTAINE

À propos de Nicolas Simard-Lafontaine

Nicolas Simard-Lafontaine est l’un des associés fondateurs de Galileo. Depuis son admission au Barreau du Québec, il pratique exclusivement en immigration d’affaires auprès d’entreprises et d’entrepreneurs.

Nicolas s’implique directement auprès de plusieurs clients d’affaires de Galileo dans le cadre de dossiers sensibles ou complexes. Il agit notamment auprès de clients dans les domaines du génie civil, de la construction, de la fabrication et des technologies. Nicolas utilise une approche stratégique à long terme dans les dossiers qu’il pilote. Il permet ainsi aux clients de Galileo de naviguer avec aise dans leurs projets d’affaires comportant des composantes liées à l’immigration, comme la construction d’une nouvelle usine, l’acquisition par un groupe étranger d’une entreprise canadienne, l’implantation d’activités au Canada, la construction d’infrastructures essentielles ou encore la mise en place des processus internes nécessaires à la gestion d’un volume grandissant de questions liées à l’immigration.

Nicolas est également membre de l’équipe de direction où il pilote plusieurs projets commerciaux et d’amélioration continue.

Nicolas s’implique aussi dans la communauté juridique en siégeant au comité directeur de l’Association canadienne des Avocats en Immigration (ACAI) et sur le comité exécutif de la division du Québec de la section immigration et citoyenneté de l’Association du Barreau canadien. Dans le cadre de ces comités, il commente fréquemment les politiques gouvernementales en contribuant à la rédaction de lettres aux ministères concernés, en publiant des articles, en commentant les politiques et en participant à diverses rencontres avec les ministères et les agences gouvernementales impliqués dans le système d’immigration.

Nicolas est titulaire d’un Baccalauréat en administration des affaires (B.A.A.) de HEC Montréal et d’un Baccalauréat en droit civil (L.L.B) de l’Université de Sherbrooke. Il figure sur les palmarès Who’s Who Legal (WWL), Chambers & Partners et LExpert dans la catégorie des avocats les plus recommandés au Canada en immigration d’affaires.

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