Auteurs :
Nicolas Simard-Lafontaine et Sarah Hammoud
Introduction
Comme cabinet d’avocats en immigration d’affaires, nous représentons des entreprises en matière d’immigration. Nous couvrons l’ensemble des enjeux d’affaires liés à l’immigration; de l’attraction de talents de pointe à l’international, au transfert au sein d’une entreprise multinationale de cadres de direction vers le Canada ou les États-Unis. Inévitablement, nous conseillons nos clients quant à leurs obligations légales dans le contexte de chaque dossier ou dans un cadre plus général en proposant des audits.
Depuis près de 10 ans, pour assurer le bon fonctionnement et l’intégrité du système d’immigration temporaire, un régime de conformité qui vise les employeurs a été mis en place. Ce régime s’articule autour d’inspections qui peuvent être menées par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) ou Emploi et Développement Social Canada (EDSC) et qui, en cas de non-conformité, peuvent mener à des pénalités. Les pénalités sont prévues dans le Règlement sur l’immigration et protection des réfugiés (Règlement); elles peuvent être de nature pécuniaire et/ou de nature administrative, comme la suspension des employeurs du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) (les « sanctions administratives pécuniaires »).
Nous agissons fréquemment dans des dossiers d’inspections de conformité d’EDSC et nous avions constaté une augmentation de la fréquence des inspections en 2024. Le 17 janvier dernier, EDSC a confirmé par voie de communiqué de presse la tendance que nous avions déjà constatée en pratique. EDSC y présente une nouvelle posture mettant l’accent sur l’application du Règlement afin d’assurer la conformité des programmes d’immigration temporaire sous sa juridiction.
Les chiffres présentés dans ce communiqué de presse parlent d’eux-mêmes : en 2024, pour une période de 6 mois (entre avril et septembre), 649 inspections ont été effectuées. Au total, 11% des employeurs inspectés (ou 71 employeurs) ont été déclarés non conformes. Les sanctions administratives pécuniaires infligées à ces employeurs non conformes ont totalisé 2,1 millions de dollars, ce qui représente le double de celles émises pour la même période l’année précédente. De plus, 20 employeurs ont été suspendus du PTET, ce qui représente une augmentation de 5 fois par rapport à l’année précédente.
Le communiqué résume également certaines sanctions administratives pécuniaires qui se sont ajoutées ou qui ont augmenté en 2023 et 2024. Elles sont représentées dans le tableau plus bas.
Infractions | Sanctions maximales après le changement |
Employeurs ne fournissant pas les documents nécessaires ou affirmant détenir une entreprise inexistante ou illicite | 45 000 dollars et interdiction de participer au Programme pendant 5 ans |
Employeurs refusant de rencontrer les inspecteurs ou absents lors des inspections | 45 000 dollars et interdiction de participer au Programme pendant 5 ans |
Employeurs non activement engagés dans les opérations de leur entreprise | 15 000 dollars par travailleur étranger temporaire touché |
Le communiqué cite aussi des exemples concrets d’employeur non conforme. Prenons les exemples suivants :
Un employeur de l’industrie de la préparation et du conditionnement de poissons et de fruits de mer a reçu une sanction pécuniaire de 365 750 dollars et s’est vu interdire l’accès au Programme pendant deux ans pour non-respect de plusieurs exigences et de conditions, notamment pour ne pas avoir tenu les documents nécessaires, ne pas avoir respecté les lois lors du recrutement et de l’embauche d’employés, ne pas verser un salaire convenable aux travailleurs étrangers et ne pas avoir offert un milieu de travail exempt de mauvais traitements.
Ou
Un employeur du secteur agricole s’est vu imposer une sanction pécuniaire de 75 000 dollars et interdire l’accès au Programme pendant cinq ans pour ne pas avoir fourni à l’inspecteur la documentation demandée, d’avoir été absent lors d’une rencontre prévue avec les inspecteurs et d’avoir échoué à démontrer qu’il exploitait une entreprise légitime.
EDSC indique également un élargissement considérable de ses efforts de surveillance, notamment en effectuant une surveillance plus rigoureuse des secteurs à haut risque.
EDSC introduit le resserrement de ses pratiques d’inspection sous l’angle de la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs étrangers. Il faut cependant constater que cette approche s’inscrit dans un changement de posture générale chez EDSC qui resserre le PTET depuis septembre 2024.
Quoi faire comme employeur?
Ce communiqué confirme bien l’une de nos prévisions pour 2025 publiées le 2 janvier dernier: Le respect des conditions du séjour deviendra essentiel en 2025. Bien que nous recommandions toujours le respect absolu des conditions de travail déclarées, le risque pour les employeurs d’être soumis à une inspection est désormais plus élevé. Ainsi les employeurs devraient être prêts à répondre à une inspection en suivant notamment les recommandations suivantes :
- S’assurer proactivement du respect des obligations de l’employeur pour chaque travailleur incluant le respect des conditions de travail déclarées dans l’EIMT;
- En cas de non-respect, consulter un avocat qui vous permettra d’analyser le risque de sanction pécuniaire administrative et qui vous recommandera le meilleur plan d’action dans les circonstances – souvent en agissant rapidement pour assurer la conformité;
- Tenir une liste à jour des travailleurs étrangers à leur emploi incluant notamment le poste, les tâches, la CNP et le salaire tel que déclaré dans la demande d’EIMT;
- Conserver un dossier pour une période de 6 ans à partir du début de la période d’emploi pour chaque travailleur embauché sous le PTET afin de pouvoir démontrer la véracité des renseignements fournis dans la demande d’EIMT et afin de pouvoir démontrer le respect des obligations de l’employeur envers chaque travailleur;
Nous prônons une approche préventive. Pour parler de votre situation avec un avocat, contactez-nous.