Vers un resserrement des politiques d’immigration au Canada

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24 mai, 2024

La tendance est claire; après près d’une décennie de politiques migratoires favorables à l’immigration au Canada, le gouvernement fédéral souhaite diminuer la part d’immigrants temporaires au Canada.

Le contexte économique actuel (inflation, taux d’intérêt élevés, pénurie de logements, morosité économique et chômage en hausse) force maintenant le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Marc Miller, à trouver des solutions pour réduire le nombre de ressortissants étrangers titulaires de statuts temporaires au Canada sans toutefois impacter négativement l’économie canadienne.

Lors d’une conférence de presse le 11 mai dernier, le ministre Miller exprimait ceci en référence au nombre de résidents temporaires au Canada :

« There’s recognition that the numbers have gotten high and that there is even explicit reference to businesses having gotten addicted to temporary foreign workers »

Il mentionnait aussi dans la même conférence de presse:

« I think we need to have difficult conversations with industry that have largely taken advantage of some of the measures that we implemented post COVID for good reasons but have no reasons to exist right now ».

J’émets l’hypothèse que nous entrons dans une période de resserrement des politiques d’immigration au Canada susceptible d’avoir un impact important sur les entreprises du Québec et du Canada. Au cours des prochains mois, les employeurs devront s’adapter à des politiques d’immigration de plus en plus restrictives et à des changements constants des règles en vigueur.

Voici 5 prévisions pour 2024 et 2025 :

#1 L’annulation des politiques d’intérêt public favorables aux immigrants temporaires

Plusieurs politiques d’intérêt public ou mesures d’ordre temporaire sont entrées en vigueur dans les dernières années en réponse à des évènements comme la pénurie de main-d’œuvre et la pandémie de COVID.

Voici 2 politiques et/ou mesures toujours en vigueur qui sont à risque d’être abolies prochainement :

#2 Retour à une limite de 10% pour les EIMT à bas salaire.

Les employeurs qui embauchent des travailleurs étrangers temporaires (TET) à bas salaires sous le programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) sont limités à une proportion de TETs à bas salaires embauchés par l’entreprise. Jusqu’au 30 avril 2022, cette limite était établie à 10%. Depuis le 30 avril 2022, cette limite a augmenté à 20%. Pour certains secteurs d’activité économique, elle a été augmentée à 30%.

Dans le contexte actuel, notamment avec un taux de chômage plus élevé au Canada, le retour à la limite de 10% est envisageable. Emploi et Développement Social Canada (EDSC) qui administre le PTET pourrait ensuite publier une liste de secteurs où une limite supérieure serait permise.

Une modification des seuils est susceptible de complexifier le processus de renouvellement des permis de travail pour les EIMT à bas salaire. Une planification préventive des stratégies d’immigration pourrait permettre de mitiger l’impact sur les opérations de votre entreprise.

#3 Hausse des délais de traitement pour les demandes présentées de l’extérieur du Canada.

Le nombre de résidents temporaires sur le territoire Canadien a atteint un sommet historique en 2024 (2,5 millions de résidents temporaires). Le gouvernement fédéral a l’intention de réduire ce nombre de près de 500 000 d’ici 2027.

Il est donc probable que le traitement des nouvelles demandes depuis l’étranger soit ralenti pour atteindre les cibles. En effet, les délais de traitement d’une demande d’immigration sont variables selon le pays de laquelle la demande est présentée et selon divers facteurs, dont les ressources disponibles chez Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), le nombre de demandes reçues, les cibles à atteindre et le contexte politique et géopolitique.

Par exemple, les délais de traitement d’une demande de permis de travail présenté depuis la Russie sont de 36 semaines (probablement à cause du contexte géopolitique) alors qu’une demande présentée depuis le Mexique est de 3 semaines (probablement à cause des ressources disponibles chez IRCC pour répondre à l’afflux de demandes de TETs saisonniers destinés à l’agriculture à l’arrivée de l’été).

#4 Une hausse du nombre d’inspections des services d’immigration chez les employeurs canadiens

Le cadre législatif en matière d’immigration est d’ordre public, ce qui signifie qu’il est obligatoire et que personne ne peut y déroger. La Loi sur l’Immigration et la Protection des Réfugiés (LIPR) comporte des règles permettant au gouvernement canadien d’assurer un certain contrôle sur les ressortissants étrangers temporairement au Canada et sur les employeurs qui embauchent des TET.

Dans une logique restrictive à l’égard de l’immigration temporaire, il serait cohérent que le gouvernement canadien soit plus interventionniste en matière d’inspections.

Sur le terrain, on constate d’ailleurs un niveau de sophistication amélioré du côté des services d’inspection des employeurs en matière d’immigration; ces derniers inspectent maintenant les employeurs les plus susceptibles d’être en défaut de leurs obligations en se basant notamment sur un système de dénonciation.

Il est donc primordial pour les employeurs de connaitre leurs obligations et de s’y conformer. À cet égard, nous avons créé un outil d’autodiagnostic gratuit à télécharger.

Il est aussi important de connaitre l’existence du système d’inspection des employeurs au Canada.

#5 L’embauche illégale de ressortissants étrangers deviendra inacceptable socialement

Il semble surprenant qu’en 2024 au Canada, une société de droit et une démocratie libérale, peu de gens se révoltent à la lecture d’articles qui exposent des stratagèmes permettant à des entreprises et à des organisations d’embaucher des ressortissants étrangers illégalement.

Pensons à l’exemple suivant dans Le Devoir qui expose que « Des immigrants sans permis de travail ont été payés 10 $ l’heure pour nettoyer des hôpitaux ou servir de la nourriture dans des CHSLD. »

L’immigration est un domaine où l’exploitation et la fraude sont omniprésentes. Dernièrement, le Barreau du Québec mettant d’ailleurs de l’avant cette réalité avec le lancement d’un microsite fauxavocat.ca.

Plusieurs pratiques illégales sont couramment utilisées consciemment ou inconsciemment par les employeurs dont :

  • L’embauche de travailleurs d’agences sans permis de travail valide – et parfois sans statut;
  • Le non-respect notamment de la Loi sur les normes du travail pour les travailleurs étrangers;
  • La facturation directe ou indirecte des frais de recrutement au travailleur;
  • Le paiement par un travailleur à l’étranger de frais pour une offre d’emploi au Canada; et,
  • Le prélèvement sur le salaire de certains montant par exemple pour repayer les frais juridiques.

Au-delà des conséquences juridiques de tels comportements, j’émets l’hypothèse qu’au Canada, le jugement social sera de plus en plus sévère à l’égard des entreprises qui ont soit été imprudentes, inconscientes ou malhonnêtes à l’égard du traitement des étrangers.

Le risque réputationnel lié au traitement illégal et inéquitable des ressortissants étrangers doit faire partie intégrante de la réflexion des employeurs.

Nous sommes fiers, chez Galileo Partners, d’offrir une approche éthique et humaine à la pratique en immigration et au recrutement international; nous conseillons nos clients afin qu’ils soient conformes sur le plan juridique, sur le plan moral et sur le plan éthique.

Comme employeur, soyez prudent des offres trop alléchantes d’agences ou de recruteurs internationaux; comme l’adage anglophone le dit: « There’s no such thing as a free lunch »!

Conclusion

Si l’immigration fait partie intégrante des opérations de votre entreprise, assurez-vous d’être bien conseillé. Nous entrons probablement dans une période de resserrements des politiques d’immigration au Canada; ce qui a fonctionné comme stratégie d’immigration dans le passé pourrait très bien ne plus fonctionner dans les prochains mois.

Si, comme employeur, vous souhaitez consulter l’un de nos avocats ou de nos spécialistes en recrutement international sur une base confidentielle, écrivez-nous ou prenez rendez-vous.

Nicolas SIMARD-LAFONTAINE

À propos de Nicolas Simard-Lafontaine

Nicolas Simard-Lafontaine est l’un des associés fondateurs de Galileo. Depuis son admission au Barreau du Québec, il pratique exclusivement en immigration d’affaires auprès d’entreprises et d’entrepreneurs.

Nicolas s’implique directement auprès de plusieurs clients d’affaires de Galileo dans le cadre de dossiers sensibles ou complexes. Il agit notamment auprès de clients dans les domaines du génie civil, de la construction, de la fabrication et des technologies. Nicolas utilise une approche stratégique à long terme dans les dossiers qu’il pilote. Il permet ainsi aux clients de Galileo de naviguer avec aise dans leurs projets d’affaires comportant des composantes liées à l’immigration, comme la construction d’une nouvelle usine, l’acquisition par un groupe étranger d’une entreprise canadienne, l’implantation d’activités au Canada, la construction d’infrastructures essentielles ou encore la mise en place des processus internes nécessaires à la gestion d’un volume grandissant de questions liées à l’immigration.

Nicolas est également membre de l’équipe de direction où il pilote plusieurs projets commerciaux et d’amélioration continue.

Nicolas s’implique aussi dans la communauté juridique en siégeant au comité directeur de l’Association canadienne des Avocats en Immigration (ACAI) et sur le comité exécutif de la division du Québec de la section immigration et citoyenneté de l’Association du Barreau canadien. Dans le cadre de ces comités, il commente fréquemment les politiques gouvernementales en contribuant à la rédaction de lettres aux ministères concernés, en publiant des articles, en commentant les politiques et en participant à diverses rencontres avec les ministères et les agences gouvernementales impliqués dans le système d’immigration.

Nicolas est titulaire d’un Baccalauréat en administration des affaires (B.A.A.) de HEC Montréal et d’un Baccalauréat en droit civil (L.L.B) de l’Université de Sherbrooke. Il figure sur les palmarès Who’s Who Legal (WWL), Chambers & Partners et LExpert dans la catégorie des avocats les plus recommandés au Canada en immigration d’affaires.

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