Alors que le marché de l’immobilier canadien connaît présentement une période de turbulence marquée par la hausse des taux d’intérêt, une récente loi adoptée par le gouvernement canadien, soit la Loi sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens (Loi) 1, pourrait également avoir un impact important sur le marché de l’immobilier canadien.
Cette Loi visant particulièrement les gens ayant un statut d’immigration temporaire au Canada, il devient alors important pour les employeurs canadiens de bien comprendre l’ensemble des nouvelles mesures décrites dans le présent article ainsi que les exemptions qui pourraient permettre à des ressortissants étrangers de ne pas être visés par la Loi.
I– DÉFINITION DE NON-CANADIEN
Tout d’abord, il est important de noter que les limitations prévues dans la Loi visent principalement les non-Canadiens. Le terme « non-Canadiens » ne fait pas partie de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Il ne s’agit donc pas d’un terme habituellement utilisé en droit de l’immigration au Canada.
Dans la Loi, un non-Canadien est défini comme étant un « individu autre qu’un citoyen canadien, qu’une personne inscrite à titre d’Indien sous le régime de la Loi sur les Indiens ou qu’un résident permanent ». Il est à noter que cette définition englobe également les sociétés corporatives qui sont constituées autrement que par une loi fédérale ou provinciale et qui sont contrôlées par un ou des non-Canadiens. La notion de contrôle est d’ailleurs définie plus amplement dans la Loi.
Par conséquent, la Loi vise principalement les ressortissants étrangers qui ne détiennent pas la citoyenneté canadienne et qui ne sont pas résidents permanents du Canada.
Ainsi, tout ressortissant étranger qui détient un statut temporaire au Canada, tels les visiteurs, les étudiants étrangers ou les travailleurs étrangers temporaires sont visés par cette loi. Par ailleurs, il est à noter que la Loi ne semble donc pas viser les citoyens canadiens ainsi que les résidents permanents du Canada qui résident présentement à l’étranger et qui n’ont plus d’attaches au pays.
II– INTERDICTION D’ACHAT
Comme le mentionne son titre, la Loi vise à mettre en place des mesures limitant la possibilité pour des non-Canadiens de procéder à l’achat d’un immeuble résidentiel.
L’article 4 de la Loi est clair à savoir qu’il est interdit pour un non-Canadien d’acheter directement ou indirectement un immeuble résidentiel. Par conséquent, un résident temporaire ou une société étrangère ne seraient normalement pas autorisés à acheter un immeuble résidentiel, car ceux-ci font partie de la définition de non-Canadien.
À première vue, il semble possible de conclure que le but de cet article est de limiter l’achat d’immeubles résidentiels uniquement aux individus qui sont établis de manière permanente au Canada ou bien aux sociétés qui ont réellement des activités et qui sont contrôlées depuis le Canada.
Selon la Loi, un immeuble résidentiel est défini comme étant une maison individuelle ou un bâtiment similaire qui comprend au plus trois locaux d’habitation. Un local d’habitation est doté d’une cuisine, d’une salle de bain et d’une pièce d’habitation qui sont privées.
De plus, les immeubles résidentiels qui ne font pas partie d’une agglomération de recensement ou d’une région métropolitaine de recensement sont exclus de l’application de la Loi, tels que définis par Statistique Canada dans le document intitulé « Classification géographique type (CGT) 2021 » 2. Cela exclut donc principalement les immeubles résidentiels situés à l’extérieur des grands centres urbains.
III– EXCEPTIONS À L’INTERDICTION D’ACHAT
Comme mentionné ci-haut, l’objectif du gouvernement canadien semble être de limiter l’achat d’immeubles résidentiels par des individus qui ne sont pas établis ou qui n’ont pas l’objectif de s’établir de manière permanente au Canada.
Toutefois, il est faux de penser que les résidents temporaires ne peuvent pas avoir l’intention de s’établir de manière permanente au Canada. En effet, malgré la nature temporaire de leur statut d’immigration, plusieurs résidents temporaires immigrent initialement au Canada avec un statut temporaire et espèrent ensuite pouvoir obtenir un statut permanent. Ce processus peut parfois prendre plusieurs années. Par conséquent, interdire l’achat d’immeubles résidentiels pour les résidents temporaires pourrait être considéré comme étant une mesure drastique.
Le gouvernement canadien semble avoir pris en compte cette réalité, puisque certaines exceptions ont été incluses à la Loi pour les résidents temporaires qui respectent certains critères. Ces critères sont plus amplement définis dans le Règlement sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens (Règlement) 3.
Pour les étudiants étrangers temporaires, les critères suivants doivent être respectés :
- Produire, à l’égard des cinq années d’imposition précédant l’année de l’achat, toute déclaration de revenus qui doit être produite en application de la Loi de l’impôt sur le revenu ;
- Être effectivement présent au Canada pendant au moins 244 jours au cours de chacune des cinq années civiles précédant l’année de l’achat ;
- Le prix d’achat de l’immeuble n’excède pas la somme de 500 000 $ ; N’avoir acheté qu’un seul immeuble résidentiel.
Pour les travailleurs étrangers temporaires, les critères suivants sont applicables :
- Avoir exercé un travail à temps plein pendant une période d’au moins trois ans au cours des quatre années précédant l’année de l’achat ;
- Avoir produit, à l’égard des quatre années d’imposition précédant l’année de l’achat, au moins trois déclarations de revenus en application de la Loi de l’impôt sur le revenu ;
- N’avoir acheté qu’un seul immeuble résidentiel.
Par ailleurs, des critères supplémentaires sont prévus au Règlement afin de permettre aux agents diplomatiques et consulaires ainsi qu’aux réfugiés d’être exemptés de l’application de la Loi si ceux-ci sont en mesure de démontrer qu’ils respectent ces critères.
IV– IMPACT DU NON-RESPECT DE LA LOI
Dans l’éventualité où un individu déciderait d’omettre volontairement ou involontairement de respecter la Loi, cela n’aura pas pour effet d’invalider automatiquement l’achat d’un immeuble résidentiel. En effet, la Loi ne prévoit pas de mécanisme qui pourrait mener à l’annulation d’un acte de vente qui ne serait pas conforme à ses dispositions.
Cependant, un non-Canadien qui achète un immeuble résidentiel, alors que la Loi ne le lui permet pas, pourrait être tenu de payer une amende pouvant aller jusqu’à 10 000 $. Cela vise également tout individu ou toute société ayant pu le conseiller, l’inciter, l’aider ou l’encourager à procéder à un tel achat.
La Loi prévoit également que, sur demande du ministre, la juridiction supérieure de la province où se situe l’immeuble puisse obliger la vente de l’immeuble résidentiel ayant été acquis par un non-Canadien. Un mécanisme détaillé est d’ailleurs prévu à cet effet dans le Règlement. Dans tous les cas, le Règlement prévoit que le solde du prix de vente ne pourra permettre au non-Canadien de toucher une somme supérieure à celle qui a été initialement déboursée pour l’achat de cet immeuble.
CONCLUSION
Considérant l’ensemble des mesures énumérées précédemment, il est possible de constater que le gouvernement fédéral souhaite restreindre de manière importante l’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens.
Pour le moment, plusieurs questions subsistent quant à la portée exacte de la Loi et du Règlement et à la façon dont seront interprétées certaines de leurs dispositions. De plus, plusieurs intervenants se questionnent sur les effets qu’auront réellement la Loi et le Règlement sur le marché immobilier canadien.
Dans l’éventualité où un non-Canadien souhaite procéder à l’achat d’un immeuble résidentiel au Canada, il est fortement recommandé de solliciter les services de conseillers juridiques qui seront en mesure de confirmer quelles mesures de la Loi et du Règlement pourraient être possiblement applicables dans les circonstances.
Cet article a été publié d’abord dans La référence sous le numéro EYB2023REP3582 le 7 février 2023
- Loi sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens (L.C. 2022, ch. 10, art. 235).
- Statistique Canada, Document de classification géographique type accessible à partir du site Web :<https://www12.statcan.gc.ca/census-recensement/2021/geo/maps-cartes/referencemaps-cartesdereference/sgc-cgt/files- fichiers/2021-12572-01-C.pdf>.
- Règlement sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens : DORS/2022-250, La Gazette du Canada, Partie II, vol. 156, no 26.