Achat d’immeubles résidentiels au Canada: les nouvelles règles applicables aux non-Canadiens

Temps de lecture : 7 min 9s
8 février, 2023
Dans un contexte où les employeurs canadiens ont de plus en plus recours au recrutement international en raison de la pénurie de main-d'œuvre affectant le marché du travail canadien, il est essentiel pour ceux-ci de bien saisir quelles peuvent être les différentes lois et différents règlements pouvant avoir un impact sur la qualité de vie des travailleurs étrangers temporaires qui arrivent et s'établissent au Canada.

Alors que le marché de l’immobilier canadien connaît présentement une période de turbulence marquée par la hausse des taux d’intérêt, une récente loi adoptée par le gouvernement canadien, soit la Loi sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens (Loi) 1, pourrait également avoir un impact important sur le marché de l’immobilier canadien.

Cette Loi visant particulièrement les gens ayant un statut d’immigration temporaire au Canada, il devient alors important pour les employeurs canadiens de bien comprendre l’ensemble des nouvelles mesures décrites dans le présent article ainsi que les exemptions qui pourraient permettre à des ressortissants étrangers de ne pas être visés par la Loi.

I– DÉFINITION DE NON-CANADIEN

Tout d’abord, il est important de noter que les limitations prévues dans la Loi visent principalement les non-Canadiens. Le terme « non-Canadiens » ne fait pas partie de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Il ne s’agit donc pas d’un terme habituellement utilisé en droit de l’immigration au Canada.

Dans la Loi, un non-Canadien est défini comme étant un « individu autre qu’un citoyen canadien, qu’une personne inscrite à titre d’Indien sous le régime de la Loi sur les Indiens ou qu’un résident permanent ». Il est à noter que cette définition englobe également les sociétés corporatives qui sont constituées autrement que par une loi fédérale ou provinciale et qui sont contrôlées par un ou des non-Canadiens. La notion de contrôle est d’ailleurs définie plus amplement dans la Loi.

Par conséquent, la Loi vise principalement les ressortissants étrangers qui ne détiennent pas la citoyenneté canadienne et qui ne sont pas résidents permanents du Canada.

Ainsi, tout ressortissant étranger qui détient un statut temporaire au Canada, tels les visiteurs, les étudiants étrangers ou les travailleurs étrangers temporaires sont visés par cette loi. Par ailleurs, il est à noter que la Loi ne semble donc pas viser les citoyens canadiens ainsi que les résidents permanents du Canada qui résident présentement à l’étranger et qui n’ont plus d’attaches au pays.

II– INTERDICTION D’ACHAT

Comme le mentionne son titre, la Loi vise à mettre en place des mesures limitant la possibilité pour des non-Canadiens de procéder à l’achat d’un immeuble résidentiel.

L’article 4 de la Loi est clair à savoir qu’il est interdit pour un non-Canadien d’acheter directement ou indirectement un immeuble résidentiel. Par conséquent, un résident temporaire ou une société étrangère ne seraient normalement pas autorisés à acheter un immeuble résidentiel, car ceux-ci font partie de la définition de non-Canadien.

À première vue, il semble possible de conclure que le but de cet article est de limiter l’achat d’immeubles résidentiels uniquement aux individus qui sont établis de manière permanente au Canada ou bien aux sociétés qui ont réellement des activités et qui sont contrôlées depuis le Canada.

Selon la Loi, un immeuble résidentiel est défini comme étant une maison individuelle ou un bâtiment similaire qui comprend au plus trois locaux d’habitation. Un local d’habitation est doté d’une cuisine, d’une salle de bain et d’une pièce d’habitation qui sont privées.

De plus, les immeubles résidentiels qui ne font pas partie d’une agglomération de recensement ou d’une région métropolitaine de recensement sont exclus de l’application de la Loi, tels que définis par Statistique Canada dans le document intitulé « Classification géographique type (CGT) 2021 » 2. Cela exclut donc principalement les immeubles résidentiels situés à l’extérieur des grands centres urbains.

III– EXCEPTIONS À L’INTERDICTION D’ACHAT

Comme mentionné ci-haut, l’objectif du gouvernement canadien semble être de limiter l’achat d’immeubles résidentiels par des individus qui ne sont pas établis ou qui n’ont pas l’objectif de s’établir de manière permanente au Canada.

Toutefois, il est faux de penser que les résidents temporaires ne peuvent pas avoir l’intention de s’établir de manière permanente au Canada. En effet, malgré la nature temporaire de leur statut d’immigration, plusieurs résidents temporaires immigrent initialement au Canada avec un statut temporaire et espèrent ensuite pouvoir obtenir un statut permanent. Ce processus peut parfois prendre plusieurs années. Par conséquent, interdire l’achat d’immeubles résidentiels pour les résidents temporaires pourrait être considéré comme étant une mesure drastique.

Le gouvernement canadien semble avoir pris en compte cette réalité, puisque certaines exceptions ont été incluses à la Loi pour les résidents temporaires qui respectent certains critères. Ces critères sont plus amplement définis dans le Règlement sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens (Règlement) 3.

Pour les étudiants étrangers temporaires, les critères suivants doivent être respectés :

  • Produire, à l’égard des cinq années d’imposition précédant l’année de l’achat, toute déclaration de revenus qui doit être produite en application de la Loi de l’impôt sur le revenu ;
  • Être effectivement présent au Canada pendant au moins 244 jours au cours de chacune des cinq années civiles précédant l’année de l’achat ;
  • Le prix d’achat de l’immeuble n’excède pas la somme de 500 000 $ ; N’avoir acheté qu’un seul immeuble résidentiel.

Pour les travailleurs étrangers temporaires, les critères suivants sont applicables :

  • Avoir exercé un travail à temps plein pendant une période d’au moins trois ans au cours des quatre années précédant l’année de l’achat ;
  • Avoir produit, à l’égard des quatre années d’imposition précédant l’année de l’achat, au moins trois déclarations de revenus en application de la Loi de l’impôt sur le revenu ;
  • N’avoir acheté qu’un seul immeuble résidentiel.

Par ailleurs, des critères supplémentaires sont prévus au Règlement afin de permettre aux agents diplomatiques et consulaires ainsi qu’aux réfugiés d’être exemptés de l’application de la Loi si ceux-ci sont en mesure de démontrer qu’ils respectent ces critères.

IV– IMPACT DU NON-RESPECT DE LA LOI

Dans l’éventualité où un individu déciderait d’omettre volontairement ou involontairement de respecter la Loi, cela n’aura pas pour effet d’invalider automatiquement l’achat d’un immeuble résidentiel. En effet, la Loi ne prévoit pas de mécanisme qui pourrait mener à l’annulation d’un acte de vente qui ne serait pas conforme à ses dispositions.

Cependant, un non-Canadien qui achète un immeuble résidentiel, alors que la Loi ne le lui permet pas, pourrait être tenu de payer une amende pouvant aller jusqu’à 10 000 $. Cela vise également tout individu ou toute société ayant pu le conseiller, l’inciter, l’aider ou l’encourager à procéder à un tel achat.

La Loi prévoit également que, sur demande du ministre, la juridiction supérieure de la province où se situe l’immeuble puisse obliger la vente de l’immeuble résidentiel ayant été acquis par un non-Canadien. Un mécanisme détaillé est d’ailleurs prévu à cet effet dans le Règlement. Dans tous les cas, le Règlement prévoit que le solde du prix de vente ne pourra permettre au non-Canadien de toucher une somme supérieure à celle qui a été initialement déboursée pour l’achat de cet immeuble.

CONCLUSION

Considérant l’ensemble des mesures énumérées précédemment, il est possible de constater que le gouvernement fédéral souhaite restreindre de manière importante l’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens.

Pour le moment, plusieurs questions subsistent quant à la portée exacte de la Loi et du Règlement et à la façon dont seront interprétées certaines de leurs dispositions. De plus, plusieurs intervenants se questionnent sur les effets qu’auront réellement la Loi et le Règlement sur le marché immobilier canadien.

Dans l’éventualité où un non-Canadien souhaite procéder à l’achat d’un immeuble résidentiel au Canada, il est fortement recommandé de solliciter les services de conseillers juridiques qui seront en mesure de confirmer quelles mesures de la Loi et du Règlement pourraient être possiblement applicables dans les circonstances.

Cet article a été publié d’abord dans La référence sous le numéro EYB2023REP3582 le 7 février 2023

  1. Loi sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens (L.C. 2022, ch. 10, art. 235).
  2. Statistique Canada, Document de classification géographique type accessible à partir du site Web :<https://www12.statcan.gc.ca/census-recensement/2021/geo/maps-cartes/referencemaps-cartesdereference/sgc-cgt/files- fichiers/2021-12572-01-C.pdf>.
  3. Règlement sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens : DORS/2022-250, La Gazette du Canada, Partie II, vol. 156, no 26.
Marc-Alexis Laroche

À propos de Marc-Alexis Laroche

Marc-Alexis Laroche est avocat au sein de notre groupe de pratique en immigration canadienne. À ce titre, il conseille les clients de Galileo en matière d’immigration d’affaires. Les clients sous sa responsabilité œuvrent dans une multitude de secteurs, dont les secteurs manufacturier, minier et des technologies. Ses conseils et interventions dans les dossiers qu’il pilote sont essentiels pour les clients de Galileo, ces derniers étant soumis à des enjeux de rétention de talents, d’embauche de talents étrangers et d’immigration.

Marc-Alexis est un avocat qui offre des services axés sur les résultats; sa capacité à bien comprendre les besoins des clients et à proposer des solutions pratiques et créatives est intrinsèque à sa manière de pratiquer. De plus, Marc-Alexis maintient une approche client personnalisée et attentive, et ce, tout en gérant un important volume de demandes.

Comme avocat, Marc-Alexis pratique exclusivement en immigration d’affaires. Il est ainsi en mesure de conseiller les clients de Galileo avec confiance et efficacité sur des questions relatives aux permis de travail, aux permis d’études, aux statuts de visiteurs, à la résidence permanente et aux questions d’immigration propres au Québec. Marc-Alexis est titulaire d’un baccalauréat en études politiques appliquées (B.A.) et d’un baccalauréat en droit (LL.B). Il s’est joint à l’équipe de Galileo Partners en 2017 à titre d’étudiant en droit.

-
Jean-Philippe Brunet

À propos de Jean-Philippe Brunet

Jean-Philippe Brunet est l’un des rares avocats québécois à avoir exclusivement consacré sa carrière à conseiller des entreprises et des gens d’affaires en matière d’immigration.

Il pratique depuis plus de 25 ans à Montréal, d’abord dans un cabinet boutique de premier plan, puis comme associé et chef de l’équipe nationale en immigration d’affaires au sein d’un cabinet international et finalement comme associé fondateur et directeur de Galileo Partners depuis 2016.

Il figure, depuis maintenant près de 15 ans, sur les palmarès les plus reconnus du domaine juridique, incluant Chambers & Partners, Best Lawyers, Who’s Who Legal, Canadian Lexpert Directory, Legal 500 Canada, Lexology Client Choice Award et BTI Client Service All-Star – ce qui fait de lui l’un des avocats les plus reconnus dans le domaine du droit de l’immigration au Canada.

Qui plus est, Jean-Philippe écrit régulièrement sur des sujets reliés à l’immigration et la mobilité internationale dans des publications de renom, en plus d’être fréquemment interviewé par différents médias (écrit, radio et télévisuel) quant à des sujets d’actualité dans le domaine de l’immigration. Il agit également régulièrement comme conférencier sur divers panels provinciaux, nationaux et internationaux.

Jean-Philippe est également un membre de l’Ordre des conseillers en ressources humaines et en relations industrielles agréés du Québec depuis 2001 avec le titre de Conseiller en Ressources Humaines Agréé (CRHA). En tant que CRHA, il a été invité à participer le 14 août 2019 à une Commission parlementaire à Québec concernant des projets de loi liés à l’immigration.

Jean-Philippe est membre de l’Association du barreau canadien (ABC) depuis plus de 20 ans et siège sur son exécutif depuis 2004, incluant à titre de Président de la section nationale en droit de l’immigration et de la citoyenneté en 2007. Il a par ailleurs reçu le Prix de reconnaissances des bénévoles de l’ABC en 2018.

Jean-Philippe est également membre du American Immigration Lawyers Association (AILA) et de l’Association Canadienne des Avocats en Immigration (ACAI / CILA).

Passionné par le droit de l’immigration et le conseil aux entreprises, Jean-Philippe continue à avoir un rôle actif dans des dossiers plus techniques et qui concernent la mobilité de cadres exécutifs et de leur famille. Il met également à profit son expérience et la profondeur de ses connaissances au bénéfice de l’ensemble de clients de Galileo Partners dans des cas de dossiers complexes. Il voit à développer et proposer des approches hautement personnalisées pour répondre aux enjeux de plus en plus nombreux que vivent sa clientèle, incluant la pénurie de main-d’œuvre et la rétention des talents internationaux. Sa prise en charge des dossiers d’immigration canadienne et américaine permet à ses clients de se concentrer sur l’atteinte de leurs objectifs d’affaires. Jean-Philippe agit aussi comme mentor et comme ressource senior au sein de l’équipe de professionnels de Galileo Partners.

Jean-Philippe est également fier de s’impliquer socialement depuis plus de 20 ans dans la communauté en siégeant sur des conseils d’administration et en agissant comme conseiller légal au sein d’organismes à but non lucratif.

Hors du bureau, Jean-Philippe est un fier papa de 2 beaux garçons, un amateur de sports et un globetrotter qui adore sa famille.

-

Vous voulez en savoir plus?

Untitled(Nécessaire)

Autres articles

Articles dans la même catégorie

Immigration
21 mars 2023

Nouvelle classification nationale des professions : les changements applicables 

Récemment, le gouvernement canadien annonçait l’entrée en vigueur de modifications importantes devant être apportées à la Classification nationale des professions (CNP), notamment en ce qui a trait au système de codification ainsi qu’au classement des professions.   Considérant que la CNP est un outil fortement utilisé par les différents professionnels ayant à préparer et soumettre des […]

Lire l'article
Immigration
2 mars 2023

L'accompagnement au Canada par les conjoints de travailleurs qualifiés : Coup d'oeil sur le code de dispense C41

Avec l’arrivée au Québec de plusieurs travailleurs étrangers temporaires embauchés dans un contexte de pénurie de main d’œuvre, il est important pour les employeurs de connaître les options offertes afin que ces travailleurs puissent être accompagnés par certains membres de leur famille, s’ils le souhaitent. En effet, l’obtention d’un permis de travail temporaire pour les époux et conjoints de fait des travailleurs étrangers temporaires permet de manière générale une meilleure intégration de ces derniers au pays.

Lire l'article
Recrutement
2 mars 2023

Comment préparer un projet de recrutement international ?

Face à la pénurie de main-d’œuvre, qui touche l’ensemble du Canada, le recrutement international devient une solution essentielle pour les employeurs.  La procédure étant généralement plus longue, complexe et coûteuse qu’un recrutement local, le recrutement international ne permet normalement pas de combler des besoins à court terme. Par contre, elle s’ancre bien dans une politique […]

Lire l'article