Depuis plusieurs mois maintenant, les Canadiens doivent s’armer de patience et de courage afin d’obtenir un passeport à cause de longs délais. Les scènes d’interminables files de gens et de campements de fortune aux bureaux de Service Canada ont marqué les imaginaires.
Les longs délais d’attente afin de pouvoir obtenir un passeport ainsi que le manque de transparence du gouvernement canadien sur le processus de demande et sur le statut des dossiers en traitement ont donné lieu à ce que l’on a maintenant nommé la « crise des passeports ». Certains Canadiens, faute d’avoir pu obtenir un passeport, ont dû annuler leurs plans de voyage. Si certains avaient l’intention de voyager pour leurs vacances estivales, d’autres pouvaient avoir besoin de voyager pour des raisons professionnelles ou familiales. L’ensemble de la population canadienne, des médias ainsi que de la communauté politique s’entendent, avec raison, sur le fait que cette situation est absolument inacceptable et que les Canadiens méritent un meilleur service de la part des autorités gouvernementales.
Alors que la crise des passeports persiste et que le gouvernement canadien peine à trouver des solutions durables pour offrir un meilleur service, la situation rappelle le traitement réservé à la communauté immigrante présente au Canada ainsi qu’aux personnes à l’étranger souhaitant résider temporairement ou s’établir de manière permanente au Canada. En effet, les délais de traitement interminables ainsi que l’opacité du processus décisionnel des autorités en immigration canadiennes rendent le processus d’immigration extrêmement pénible pour une grande partie des étrangers visés.
Dans le cadre de cet article, nous vous exposons 3 situations vécues par les étrangers cherchant à rester ou à venir en sol canadien et pour lesquelles un parallèle peut être fait avec le traitement réservé aux Canadiens dans le cadre de la crise des passeports actuelle.
1. Délais de traitement pour les demandes de résidence permanente des travailleurs qualifiés sélectionnés par le Québec
Le Québec est la seule province canadienne qui sélectionne ses immigrants économiques. Cela signifie que tous les étrangers qui souhaitent s’établir de manière permanente dans la province à titre d’immigrants économiques doivent d’abord obtenir un Certificat de sélection du Québec (CSQ). Les étrangers souhaitant s’établir dans une autre province que le Québec n’ont pas nécessairement à obtenir d’autorisation provinciale semblable au CSQ, il s’agit donc d’une étape additionnelle obligatoire rendant le processus d’obtention de la résidence permanente plus ardu pour les étrangers souhaitant s’établir au Québec.
Une fois le CSQ obtenu et la demande de résidence permanente déposée, les délais de traitement de la demande de résidence permanente sont, au moment d’écrire ces lignes, approximativement de 32 mois. Ainsi, pour un travailleur qualifié francophone souhaitant s’établir au Québec et qui arrive d’abord à titre de détenteur de permis de travail, le processus type sera le suivant :
- Arrivée de ce travailleur au Québec à titre de travailleur qualifié étranger;
- Une fois que cette personne aura cumulé 2 ans d’expérience de travail au Québec, soumission d’une demande de CSQ via le Programme de l’expérience québécoise (PEQ);
- Jusqu’à 6 mois de délais de traitement pour la demande de CSQ;
- Une fois le CSQ obtenu, soumission d’une demande de résidence permanente;
- Environ 32 mois de délais de traitement pour la demande de résidence permanente.
Donc, une personne qui souhaite s’établir de manière permanente au Québec pourra être en mesure d’obtenir le statut de résident permanent plus de 5 ans après son arrivée au Québec.
Incertitude du statut
Pour plusieurs étrangers, l’incertitude liée à leur statut au Canada, notamment à savoir s’ils seront en mesure de renouveler leur statut temporaire, est une grande source d’inquiétude et un frein important à leur projet d’établissement et d’intégration au Québec. L’obtention de la résidence permanente leur offre une sécurité d’esprit et une liberté relativement à, par exemple, la possibilité de changer d’emploi ou de fonder une entreprise. Le statut de résident permanent offre également des avantages financiers, notamment pour l’obtention d’un prêt bancaire ou le paiement de frais scolaires plus avantageux. Retarder l’obtention de la résidence permanente pour les étrangers souhaitant s’établir de manière permanente au Québec est ainsi une source de stress importante pour la majorité d’entre eux. Les délais de traitement de la demande de résidence permanente de plus de 2 ans mériteraient grandement d’être améliorés.
2. Délais pour l’obtention d’une carte de résident permanent
Au cours de l’été, plusieurs étrangers séjournant au Québec ont été heureux d’apprendre que leur demande de résidence permanente avait finalement été approuvée. Cette heureuse nouvelle s’est, pour certains, révélée être un cadeau empoisonné : une fois le statut de résident permanent obtenu, une personne aura besoin d’une carte de résident permanent valide afin de pouvoir revenir au Canada en avion, en train, en autocar ou en bateau. Or, à l’heure actuelle, la délivrance de la carte de résident permanent peut prendre plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Certains étrangers dont la demande de résidence permanente a été approuvée au début de l’été ont ainsi vu leurs vacances estivales à l’étranger tomber à l’eau, faute d’avoir pu recevoir leur carte de résident permanent à temps (ce qui rappelle grandement ce que vivent les Canadiens en attente de leur passeport).
Dans d’autres cas, ces nouveaux résidents permanents ont dû tout de même quitter le Canada puisqu’ils devaient voyager pour des raisons impérieuses (ex : membre de la famille malade, décès, raisons professionnelles, etc.). Ces personnes se sont alors retrouvées coincées à l’étranger, faute de pouvoir revenir au Canada par avion. Bien que les résidents permanents soient tout de même ultimement en mesure de revenir au Canada en présentant une demande d’autorisation à cet effet ou en entrant à pied ou en voiture par voie terrestre, il s’agit tout de même de solutions complexes et imparfaites.
Les longs délais pour l’obtention de la carte de résident permanent ont donc pour effet d’empêcher ou de rendre plus ardu les projets de voyage à l’étranger des nouveaux résidents permanents, ce qui peut s’avérer très problématique dans plusieurs situations. Ces résidents permanents mériteraient également un meilleur traitement.
3. Interdiction pour les travailleurs temporaires sous statut conservé de voyager à l’extérieur du Canada
Les délais de traitement actuels pour les demandes de permis de travail présentées de l’intérieur du Canada sont de plus de 150 jours. Ainsi, les travailleurs étrangers devant renouveler leur permis de travail devront attendre plus de 5 mois avant de voir leur demande traitée.
Il est ainsi fortement recommandé pour ces derniers de soumettre leur demande de renouvellement de permis de travail au moins 6 mois avant l’expiration de leur permis de travail actuel. Il n’est cependant pas toujours possible de procéder ainsi. Ce sera notamment le cas lorsque le travailleur étranger attend la délivrance de son CSQ afin de pouvoir soumettre sa demande de renouvellement de permis de travail via le programme A75.
Les travailleurs étrangers présentant leur demande de renouvellement de permis de travail avant l’expiration de leur permis de travail actuel pourront toutefois bénéficier de ce que l’on appelle le « statut conservé » (anciennement le « statut implicite »). Le statut conservé permet au demandeur de continuer de séjourner et travailler au Canada pendant le traitement de sa nouvelle demande de permis de travail jusqu’à ce qu’une décision soit rendue.
Une problématique importante associée au statut conservé est la perte des droits qui y sont associés dont celui de travailler si le bénéficiaire quitte le territoire canadien. Ainsi, en général une personne dont le permis de travail est expiré et dont la demande de renouvellement de permis de travail est en traitement auprès d’IRCC n’aura plus le droit de travailler au Canada lors de son retour au pays dans le cas où elle décidait de quitter le territoire canadien.
Il s’agit d’un autre exemple de situation où les longs délais de traitement imposés par les autorités gouvernementales empêchent un groupe de personnes de voyager à l’extérieur du Canada.
Conclusion
Les Canadiens ont pu avoir un aperçu cet été dans le cadre de la crise des passeports des failles dans le service offert par les autorités gouvernementales. Or, la situation ne rappelle que trop bien ce que vit maintenant depuis plusieurs années la communauté immigrante du Canada. Les délais de traitement excessifs et un processus décisionnel lourd et opaque rendent le processus d’immigration souvent très pénible. Dans un contexte de pénurie de main d’œuvre et de défis démographiques sans précédent, le gouvernement canadien devrait accélérer le rythme des investissements afin que ses services d’immigration et de citoyenneté soient en mesure d’offrir un meilleur service à la clientèle.
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Pour des conseils ou recommandations relatifs aux situations exposées ci-haut, nous vous invitons à communiquer avec notre équipe d’avocats en immigration qui saura répondre à vos questions.