Introduction
Le 30 janvier 2023, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) a apporté des changements importants au niveau des critères d’admissibilité permettant de présenter une demande de permis de travail ouvert offert pour les membres de la famille de travailleurs étrangers temporaires. Ces mesures visent notamment à inclure les époux(ses) et conjoints(es) de fait des travailleurs peu spécialisés ainsi que leurs enfants à charge et les enfants à charge d’un enfant à charge.
Les travailleurs étant considérés comme hautement spécialisés sont ceux qui occupent une profession qui est classifiée dans les catégories FEER (Formation, Éducation, Expérience et Responsabilités) 0, 1, 2 ou 3 de la classification nationale des professions (CNP) tandis que ceux qui sont considérés comme étant peu spécialisés exercent une profession classifiée sous les catégories FEER 4 ou 5 de la CNP 1.
Ces changements sont majeurs non seulement pour les travailleurs étrangers et les membres de leur famille, mais aussi pour les employeurs canadiens. Ultimement, IRCC espère que ces mesures pourront réduire les effets causés par la pénurie de main-d’oeuvre qui affecte le marché du travail canadien.
À titre de rappel, le permis de travail dit « ouvert » est celui qui peut être obtenu sans le soutien d’un employeur canadien et il est également celui qui permet au titulaire de travailler pour n’importe quel employeur au Canada. Dans certains cas, ce type de permis de travail peut contenir des restrictions qui peuvent limiter la profession, mais il s’agit d’un type de permis qui offre une très grande flexibilité à son titulaire.
Par conséquent, avec les changements annoncés précédemment, les employeurs canadiens espèrent ardemment que cela permettra d’avoir accès à un bassin de travailleurs admissibles qui pourront présenter une demande de permis de travail ouvert, les autorisant ainsi à travailler au Canada pour n’importe quel employeur.
1. Changements apportés aux critères d’admissibilité pour les permis de travail ouverts offerts aux membres de la famille
Dans le cadre de démarches d’immigration, il est important de noter que le demandeur principal est celui qui est considéré comme étant la personne détenant déjà un permis de travail ou une offre d’emploi au Canada.
En ayant un permis de travail valide ou une offre d’emploi, le demandeur principal peut alors parfois permettre aux membres de sa famille d’obtenir un permis de travail ouvert. Le permis de travail ouvert permet aux membres de la famille d’accompagner le demandeur principal au Canada et d’obtenir un document d’immigration facilitant la recherche et l’obtention d’un emploi au Canada.
Comme mentionné précédemment, plusieurs critères d’admissibilité ont été modifiés en date du 30 janvier 2023 afin d’assouplir les critères d’obtention d’un permis de travail ouvert pour les membres de la famille des travailleurs étrangers temporaires.
Toutefois, il est important de noter que ces critères peuvent varier selon la relation qui existe entre le demandeur principal et le membre de la famille. En effet, les critères d’admissibilité varient et sont déterminés en fonction de la relation familiale qui existe entre les membres de la famille.
A. Membres de la famille de travailleurs étrangers temporaires hautement qualifiés
Les époux(ses) et conjoints(es) de fait de travailleurs étrangers temporaires hautement spécialisés étaient historiquement les seuls membres de la famille admissibles à présenter une demande de permis de travail ouvert.
Toutefois, et avec les changements annoncés en date du 30 janvier 2023, il est important de noter que les enfants et les petits-enfants de travailleurs étrangers temporaires hautement spécialisés sont maintenant aussi admissibles à présenter une demande de permis de travail ouvert.
Pour les membres de la famille de travailleurs étrangers temporaires hautement qualifiés, ceux-ci peuvent être admissibles à demander un permis de travail ouvert dans la mesure où ceux-ci satisfont aux critères ci-dessous 2 :
Le demandeur principal doit être légalement autorisé à travailler au Canada ;
Le permis de travail ou l’autorisation de travailler du demandeur principal doit être valide pendant au moins six mois après la réception de la demande de permis de travail ouvert du membre de la famille ;
Le demandeur principal doit exercer une profession spécialisée et doit être employé comme travailleur hautement qualifié (catégorie FEER 0, 1, 2 ou 3 de la CNP) au moment où le membre de la famille fait sa demande ;
Il doit habiter ou prévoir d’habiter au Canada pendant son séjour au Canada en tant que travailleur ;
Le membre de la famille doit satisfaire aux exigences générales d’admissibilité pour obtenir un permis de travail :
- démontrer qu’il ou elle quittera le Canada à la fin de la période du séjour autorisé ;
- démontrer qu’il ou elle possède suffisamment d’argent pour retourner dans son pays et pour subvenir à ses besoins et à ceux des membres de sa famille durant son séjour au Canada ;
- respecter la loi et avoir un casier judiciaire vierge ;
- ne pas représenter un danger pour la sécurité du Canada ;
- être en bonne santé et avoir fait l’objet d’un examen médical (dans certains cas) ;
- ne pas envisager de travailler pour un employeur « inadmissible » figurant sur la liste des employeurs qui ne répondent pas aux conditions applicables ;
- ne pas avoir l’intention de travailler pour un employeur qui, sur une base régulière, offre des services de danse nue ou érotique, des services d’escorte ou des massages érotiques ; et
- démontrer qu’il ou elle est autorisé à entrer au Canada.
- Le membre de famille doit être dans une relation authentique avec le demandeur principal et avoir la preuve documentaire nécessaire (certificat de mariage, documents de cohabitation, certificat de naissance, etc.)
Le membre de famille doit avoir un statut valide au Canada au moment de la demande.
Dans l’éventualité où tous ces critères sont respectés, le membre de la famille peut alors demander un permis de travail ouvert afin de pouvoir accompagner le demandeur principal au Canada et ainsi travailler à son arrivée au pays.
Qui plus est, il est à noter que le programme d’immigration ayant autorisé le demandeur principal à obtenir un permis de travail canadien n’aura pas d’impact sur l’admissibilité du membre de la famille.
B. Membres de famille de travailleurs étrangers temporaires peu spécialisés
Comme mentionné, les membres de la famille de travailleurs étrangers temporaires peu spécialisés n’étaient pas autrefois admissibles à présenter une demande de permis de travail ouvert. Par conséquent, il était très difficile pour des travailleurs étrangers temporaires d’être accompagnés par les membres de leur famille, puisque ceux-ci n’étaient pas en mesure d’obtenir un processus facilitateur comme celui qui existe pour les demandes de permis de travail ouvert.
En raison des mesures mises en place depuis le 30 janvier 2023, IRCC change de manière drastique les restrictions qui existaient pour les membres de la famille de travailleurs étrangers temporaires peu spécialisés.
En effet, les critères d’admissibilité pour un permis de travail ouvert pour les membres de famille de travailleurs étrangers temporaires peu spécialisés sont identiques à ceux décrits ci-dessus pour les travailleurs hautement qualifiés 3. Toutefois, il existe une différence importante, soit le niveau de qualification du poste qui est occupé ou proposé au demandeur principal.
Comme les critères d’admissibilité sont élargis pour ce type de permis et tel que mentionné plus haut, les membres de famille d’un demandeur principal qui exerce une profession peu spécialisée (catégorie FEER 4 ou 5 de la CNP) au moment de la demande de permis de travail ouvert seront aussi admissibles à présenter une demande pour un permis de travail ouvert.
Bien que les mesures annoncées soient positives pour les travailleurs étrangers temporaires peu spécialisés et les membres de leur famille, il est à noter que ces mesures sont jusqu’à présent disponibles seulement si le demandeur principal a obtenu son permis de travail en vertu du programme de mobilité internationale (PMI).
Par conséquent, si jamais un travailleur étranger temporaire peu spécialisé a obtenu un permis de travail en raison du fait que son employeur ait préalablement présenté une demande d’Évaluation d’impact sur le marché de travail – soit en vertu du programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) – les membres de la famille peuvent alors ne pas être admissibles à présenter une demande de permis de travail ouvert. Pour le moment, les catégories du PTET qui sont exclues de ces nouvelles mesures sont : les travailleurs agricoles saisonniers, les travailleurs agricoles et les travailleurs à bas salaire.
D’autres mesures sont prochainement attendues afin de permettre aux membres de la famille des travailleurs appartenant à ces catégories d’être également admissibles à présenter une demande de permis de travail ouvert.
2. Impact pour les employeurs canadiens
Dans un contexte où la pénurie de main-d’oeuvre a des impacts importants sur le marché de l’emploi canadien, les employeurs se tournent davantage vers le recrutement international pour combler des postes vacants.
Avec l’arrivée de ces nouvelles mesures, plusieurs intervenants sont d’avis que cela aura pour effet de permettre à plusieurs individus d’intégrer encore plus facilement le marché du travail canadien, et ainsi diminuer les effets de la pénurie de main-d’oeuvre.
Auparavant, il était plus difficile de convaincre un travailleur étranger temporaire d’immigrer au Canada afin d’occuper un poste peu qualifié, particulièrement en raison de la compétitivité de certains pays dans leurs processus d’immigration. Dans plusieurs cas, des membres de la famille du travailleur étranger ne pouvaient pas accompagner le demandeur principal au Canada et devaient alors rester dans leur pays d’origine.
Ainsi, ces nouvelles mesures pourraient être très avantageuses considérant qu’elles permettront aux employeurs canadiens de convaincre plus facilement les travailleurs peu spécialisés d’accepter une offre d’emploi au Canada. Dans la mesure où les membres de la famille peuvent accompagner le demandeur principal au Canada, plusieurs candidats accepteront peut-être plus facilement une offre d’emploi dans un pays étranger.
De plus, ces nouvelles mesures permettront également aux employeurs d’avoir accès à un plus grand bassin de travailleurs étrangers détenant un permis de travail ouvert ou étant admissibles à présenter une telle demande.
En effet, en assouplissant les critères d’admissibilité, il est à parier que plus de travailleurs étrangers temporaires intégreront le marché du travail canadien. Qui plus est, si ceux-ci détiennent un permis de travail ouvert, leur intégration sur le marché du travail canadien est d’autant plus facilitée, puisqu’aucune formalité d’immigration supplémentaire n’est requise afin qu’ils puissent accepter une offre d’emploi au Canada.
L’assouplissement des critères d’admissibilité est également important pour les employeurs canadiens, puisque l’on permet dorénavant d’inclure les enfants à charge de travailleurs étrangers temporaires. Pour certains secteurs qui comptent énormément sur l’embauche des jeunes travailleurs, tel que la restauration, les épiceries ou l’hôtellerie, ces nouvelles mesures pourront permettre aux employeurs de recruter plus facilement de nouveaux travailleurs étrangers temporaires.
Conclusion
Bien que les nouvelles mesures décrites soient très favorables pour les employeurs canadiens ainsi que pour les travailleurs étrangers temporaires et les membres de leur famille, il demeure que plusieurs considérations sociales doivent être prises en compte avec l’entrée en vigueur de ces nouvelles mesures.
En effet, même si les enfants de travailleurs étrangers temporaires peuvent être admissibles à présenter une demande de permis de travail ouvert, il existe présentement un débat important concernant le travail des enfants mineurs au Canada.
Bien qu’IRCC n’ait pas indiqué d’âge minimal afin qu’un enfant à charge d’un travailleur étranger temporaire puisse présenter une demande de permis de travail ouvert, il est possible de croire que les différentes provinces instaureront des règles à ce sujet dans le courant des prochaines semaines.
C’est d’ailleurs le cas de la province de Québec qui souhaite prochainement adopter un projet de loi visant à réglementer le travail des enfants mineurs au Québec afin de minimer l’impact de ce travail sur leur réussite scolaire 4.
Il est donc fort probable que les critères décrits antérieurement évolueront au cours des prochaines semaines. Il est donc toujours important de recourir aux services d’un professionnel en droit de l’immigration qui sera en mesure de vous guider à travers ces différents changements.
1. Pour de plus amples informations concernant la classification nationale des professions (CNP), se référer à l’article suivant : Jean-Philippe BRUNET et Marc-Alexis LAROCHE, « Nouvelle classification nationale des professions (CNP) : les changements applicables », dans Bulletin en ressources humaines, février 2023, La référence Ressources humaines, EYB2023BRH2584.
2. Pour de plus amples détails concernant les critères d’admissibilité, consulter le site Web suivant : <https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies- citoyennete/organisation/publications-guides/bulletins-guides-operationnels/residents-temporaires/travailleurs-etrangers/politique-public-competitivite- economie/c41-c46.html>.
3. Pour de plus amples détails concernant les critères d’admissibilité, consulter le site Web suivant : <https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies- citoyennete/organisation/publications-guides/bulletins-guides-operationnels/residents-temporaires/travailleurs-etrangers/politique-public-competitivite- economie/c47-c48.html>.
4. Florence MORIN-MARTEL, Le Devoir, en ligne, 28 mars 2023, <https://www.ledevoir.com/politique/quebec/787026/le-projet-de-loi-pour-encadrer-le- travail-des-enfants-depose-mardi-a-l-assemblee-nationale>.
Cet article a été initialement publié dans le Bulletin en ressources humaines de Mai 2023 des Éditions Yvon Blais sous le numéro : EYB2023BRH2618