Rémunération des travailleurs étrangers temporaires : les règles applicables

Temps de lecture : 9 min 44s
2 mai, 2024
Cet article survole les règles en vigueur concernant la rémunération des travailleurs étrangers temporaires ainsi que les meilleures pratiques pouvant être mises en place par des professionnels en ressources humaines à ce sujet.

Auteurs :

Jean-Philippe Brunet et Marc-Alexis Laroche

Note de la rédaction

Nos avocats collaborent fréquemment avec des publications du domaine juridique et du domaine des ressources humaines. Cet article a initialement été publié par cphr.ca . Son format a été légèrement altéré pour rencontrer les exigences de format du site web de Galileo Partners.

Les auteurs vous proposent un éclairage des règles en vigueur concernant la rémunération des travailleurs étrangers temporaires ainsi que les meilleures pratiques pouvant être mises en place par des professionnels en ressources humaines à ce sujet.

Introduction

Lorsqu’un employeur canadien apporte un soutien dans le cadre d’une demande de permis de travail canadien, il devrait normalement avoir à déclarer la rémunération qui sera versée au travailleur1 étranger visé par la demande.

Avant même d’entamer formellement une telle demande, l’employeur devrait toujours vérifier des critères précis qui sont propres à certains programmes d’immigration et qui permettront ultimement au travailleur étranger temporaire d’obtenir un permis de travail canadien, y compris la question de la rémunération qui sera versée.

Que ce soit concernant le traitement d’une demande d’immigration canadienne ou lors d’une inspection de conformité effectuée par les autorités gouvernementales concernées, la rémunération versée à un travailleur étranger temporaire constitue un élément essentiel qui doit être étudié de près par l’employeur.

Règles générales applicables

Lorsqu’un employeur accompagne un travailleur étranger temporaire dans le cadre d’une demande de permis de travail canadien, la détermination du salaire doit être analysée en profondeur afin de s’assurer qu’elle respecte les exigences gouvernementales.

À cet effet, le salaire de base qui sera versé est déterminé en fonction du taux horaire qui apparaitra sur les talons de paie et qui seront attribués au travailleur étranger temporaire, une fois celui-ci autorisé à travailler au Canada. Il doit ainsi s’agir d’une rémunération qui peut être déterminée et quantifiée.

Par conséquent, le salaire de base versé au travailleur étranger temporaire ne prendra pas en compte les éléments suivants :

  • les pourboires;
  • les commissions;
  • les heures supplémentaires;
  • les primes;
  • les indemnités;
  • la participation aux bénéfices de l’entreprise;
  • les autres formes de rémunération.

Milieu de travail syndiqué

Dans l’éventualité où un travailleur étranger temporaire évolue dans un milieu de travail syndiqué, il est important que l’employeur s’assure qu’il est rémunéré selon la convention collective en vigueur pour le poste proposé.

Encore une fois, l’objectif est de s’assurer que le travailleur étranger temporaire ne sera pas défavorisé par rapport aux travailleurs canadiens qui occupent un poste similaire et sur le même lieu de travail.

Il devient donc primordial que la rémunération du travailleur étranger temporaire soit conforme à l’échelle salariale qui figure à la convention collective en vigueur. Elle sera alors le point de référence à respecter, et ce, même si les programmes d’immigration ont leurs règles particulières. Par ailleurs, il est important de mentionner qu’une copie de la convention collective pourrait être requise par les autorités concernées dans le cadre du traitement de la demande.

Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET)

Dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET), les exigences salariales seront notamment déterminées selon le lieu de l’emploi offert.

Une embauche partout au Canada sauf au Québec

Lorsque le travailleur étranger temporaire occupe un emploi dans une province canadienne autre que le Québec, la détermination du salaire se fait en vertu de l’outil de comparaison des salaires sur le site web Guichet-Emplois.

Cet outil est basé sur le code de profession de la Classification nationale des professions qui est lié au poste offert. En effectuant une recherche sur Guichet-Emplois, l’employeur peut ainsi avoir un comparatif des salaires qui sont normalement offerts à des travailleurs canadiens pour la même profession et selon la région concernée.

Dans le cadre du PTET, l’employeur doit verser minimalement le taux horaire médian indiqué pour la profession liée au poste offert ainsi que pour la région où le travailleur étranger temporaire travaille.

Si jamais l’outil de comparaison des salaires ne comporte pas d’indication précise quant au taux horaire médian pour la région où le travailleur étranger travaillera, l’employeur doit alors se référer au taux horaire médian pour la province concernée, et ensuite se référer au salaire horaire médian national, si jamais il n’y a pas de taux horaire médian pour la province.

Une embauche au Québec

Si l’emploi offert est situé au Québec, les exigences salariales sont déterminées selon un outil élaboré par Emploi Québec, le Guide des salaires, un outil basé sur les données pertinentes obtenues par Statistique Canada concernant le marché du travail au Québec.

Ainsi, le Guide des salaires permet d’obtenir des détails concernant la rémunération qui devrait être normalement versée pour chacune des professions mentionnées à la Classification nationale des professions.

Pour déterminer la rémunération devant être versée au travailleur étranger temporaire, l’employeur doit vérifier les exigences propres à la profession visée selon le nombre d’années d’expérience requis pour occuper le poste offert, soit :

  • de 0 à moins de 2 ans : le salaire devrait être minimalement égal au taux horaire indiqué dans le premier quartile du Guide des salaires;
  • de plus de ans 2 à moins de 9 ans : le salaire devrait être minimalement égal au taux horaire indiqué dans le deuxième quartile du Guide des salaires;
  • plus de 9 ans : le salaire devrait être minimalement égal au taux horaire indiqué dans le troisième quartile du Guide des salaires.

Il est à noter que le nombre d’années d’expérience requis pour le poste offert est déterminé par l’employeur et non par les autorités concernées. Par conséquent, même si un travailleur étranger temporaire cumule plus de 3 années d’expérience professionnelle dans un domaine pertinent, il est possible que l’employeur demande uniquement 2 ans d’expérience professionnelle, ce qui viserait alors le premier quartile du Guide des salaires.

Nouvelle mesure concernant la révision annuelle 

Pour toute demande soumise depuis le 1er janvier 2024, et quelle que soit la province où l’emploi est situé, l’employeur canadien a l’obligation de s’assurer que la rémunération versée au travailleur étranger temporaire soit minimalement révisée une fois par année.

Cette nouvelle obligation implique donc que l’employeur devra réviser, sur une base annuelle, la rémunération qui est versée à un travailleur étranger temporaire ayant obtenu un permis de travail en vertu du PTET.

Dans le cadre de cette révision, l’employeur devra s’assurer que le travailleur étranger reçoit une rémunération qui est conforme au Guide des salaires ou au taux horaire médian indiqué sur l’outil Guichet-Emplois – en conformité avec son lieu de travail.

Toutefois, l’exception à cette règle demeure les postes qui sont visés par une convention collective. Dans un tel cas, et comme mentionné ci-dessus, c’est toujours la convention collective qui déterminera la rémunération qui sera versée au travailleur étranger temporaire.

Programme de mobilité international (PMI)

Concernant le Programme de mobilité international (PMI), la détermination du salaire se fait également à l’aide de l’outil de comparaison des salaires sur le site web Guichet-Emplois.

Encore une fois, l’employeur doit verser minimalement le taux horaire médian indiqué et qui est conforme à la profession ainsi que pour la région où le travailleur étranger temporaire sera appelé à travailler.

À noter que cette obligation est valable dans toutes les provinces canadiennes, y compris au Québec.

Inspections de conformité et modifications aux conditions de travail

Ultimement, si le travailleur étranger temporaire obtient un permis de travail canadien en vertu du PTET ou du PMI, l’employeur peut à tout moment faire l’objet d’une inspection de conformité par les autorisés gouvernementales concernées.

Lors d’une telle inspection, la vérification de la rémunération versée au travailleur étranger temporaire est l’un des éléments qui sont attentivement étudiés. Les agents peuvent notamment demander à obtenir une copie des talons de paie des travailleurs étrangers temporaires visés par la demande d’inspection.

Il est donc essentiel que l’employeur s’assure que la rémunération versée auprès d’un travailleur étranger temporaire demeure conforme à celle indiquée dans la demande d’immigration complétée précédemment.

Qui plus est, et comme mentionné ci-dessus, il est également important que l’employeur effectue une révision annuelle salariale dans l’éventualité où une telle obligation lui est incombée par la réglementation en vigueur.

Meilleures pratiques pour les professionnels en ressources humaines

Pour les professionnels en ressources humaines, la gestion de la rémunération fait partie des tâches qui sont intimement liées à la profession. Cependant, cette gestion peut rapidement devenir complexe et ardue si elle n’est pas accompagnée d’outils et de méthodes de travail fiables.

Pour la gestion de la rémunération des travailleurs étrangers temporaires, il est fortement recommandé de tenir à jour un tableau des employés présentement à l’emploi avec des indications détaillées sur :

  • la date d’expiration de leur statut;
  • le poste qui est présentement occupé;
  • le code de la Classification nationale des professions associé au poste;
  • le salaire déclaré au moment du dépôt de la demande;
  • ainsi que le salaire qui est présentement versé.

Avant la fin de l’année civile, l’employeur devrait également conserver un suivi serré à son agenda et planifier une rencontre avec les gestionnaires ou les membres de l’équipe concernés afin de s’assurer que la rémunération des travailleurs étrangers temporaires présentement à l’emploi fasse l’objet d’une révision en conformité avec les outils indiqués ci-dessus.

De plus, il est fortement recommandé que les professionnels en ressources humaines soient en mesure de communiquer l’importance que pourrait avoir une modification aux conditions d’emploi de travailleurs étrangers temporaires présentement à l’emploi. Idéalement, toute modification aux conditions de travail d’un travailleur étranger temporaire devrait faire l’objet d’une révision par l’équipe des ressources humaines afin de s’assurer que cette modification n’ait pas un impact sur la conformité de l’employeur ou le statut du travailleur étranger temporaire.

Suggestions de lecture pour aller plus loin :

Le site Carrefour RH de l’Ordre des conseillers en ressources humaines du Québec a publié une version antérieure de cet article.

  1. Le genre masculin est utilisé dans le présent article comme genre neutre. ↩︎

À propos de Jean-Philippe Brunet

Jean-Philippe Brunet est l’un des rares avocats québécois à avoir exclusivement consacré sa carrière à conseiller des entreprises et des gens d’affaires en matière d’immigration.

Il pratique depuis plus de 25 ans à Montréal, d’abord dans un cabinet boutique de premier plan, puis comme associé et chef de l’équipe nationale en immigration d’affaires au sein d’un cabinet international et finalement comme associé fondateur et directeur de Galileo Partners depuis 2016.

Il figure, depuis maintenant près de 15 ans, sur les palmarès les plus reconnus du domaine juridique, incluant Chambers & Partners, Best Lawyers, Who’s Who Legal, Canadian Lexpert Directory, Legal 500 Canada, Lexology Client Choice Award et BTI Client Service All-Star – ce qui fait de lui l’un des avocats les plus reconnus dans le domaine du droit de l’immigration au Canada.

Qui plus est, Jean-Philippe écrit régulièrement sur des sujets reliés à l’immigration et la mobilité internationale dans des publications de renom, en plus d’être fréquemment interviewé par différents médias (écrit, radio et télévisuel) quant à des sujets d’actualité dans le domaine de l’immigration. Il agit également régulièrement comme conférencier sur divers panels provinciaux, nationaux et internationaux.

Jean-Philippe est également un membre de l’Ordre des conseillers en ressources humaines et en relations industrielles agréés du Québec depuis 2001 avec le titre de Conseiller en Ressources Humaines Agréé (CRHA). En tant que CRHA, il a été invité à participer le 14 août 2019 à une Commission parlementaire à Québec concernant des projets de loi liés à l’immigration.

Jean-Philippe est membre de l’Association du barreau canadien (ABC) depuis plus de 20 ans et siège sur son exécutif depuis 2004, incluant à titre de Président de la section nationale en droit de l’immigration et de la citoyenneté en 2007. Il a par ailleurs reçu le Prix de reconnaissances des bénévoles de l’ABC en 2018.

Jean-Philippe est également membre du American Immigration Lawyers Association (AILA) et de l’Association Canadienne des Avocats en Immigration (ACAI / CILA).

Passionné par le droit de l’immigration et le conseil aux entreprises, Jean-Philippe continue à avoir un rôle actif dans des dossiers plus techniques et qui concernent la mobilité de cadres exécutifs et de leur famille. Il met également à profit son expérience et la profondeur de ses connaissances au bénéfice de l’ensemble de clients de Galileo Partners dans des cas de dossiers complexes. Il voit à développer et proposer des approches hautement personnalisées pour répondre aux enjeux de plus en plus nombreux que vivent sa clientèle, incluant la pénurie de main-d’œuvre et la rétention des talents internationaux. Sa prise en charge des dossiers d’immigration canadienne et américaine permet à ses clients de se concentrer sur l’atteinte de leurs objectifs d’affaires. Jean-Philippe agit aussi comme mentor et comme ressource senior au sein de l’équipe de professionnels de Galileo Partners.

Jean-Philippe est également fier de s’impliquer socialement depuis plus de 20 ans dans la communauté en siégeant sur des conseils d’administration et en agissant comme conseiller légal au sein d’organismes à but non lucratif.

Hors du bureau, Jean-Philippe est un fier papa de 2 beaux garçons, un amateur de sports et un globetrotter qui adore sa famille.

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